1. Dorothée ou les dérives de l'aventure


    Datte: 10/01/2025, Catégories: hagé, couleurs, Collègues / Travail plage, amour, revede, fantastiqu, sorcelleri, Auteur: Samir Erwan, Source: Revebebe

    ... folklore et dans l’imaginaire de la découverte du monde.
    
    Dorothée délaisse son cocktail, tourne son buste pour fouiller dans son sac tressé et y sortir un porte-documents en cuir qu’elle ouvre rapidement. Une mèche sur ses yeux, des mains graciles, des ongles longs et laqués de rouge.
    
    — C’est un peu comme le trésor perdu du pirate La Buse, c’est de la légende maintenant.
    
    Elle parcourt de son doigt la photocopie d’une vieille carte jaunie représentant Madagascar :
    
    — Mais les arguments que vous avez apportés ont attisé ma curiosité…
    — Elle existe, dis-je d’un ton assuré.
    
    Elle me regarde avec ce sourire qui ferait vaciller tous les amoureux et amoureuses, avec des fossettes creusées.
    
    — Vous y croyez vraiment, non ?
    — Elle existe.
    — Alors, récapitulons, si vous le voulez bien, où nous en sommes dans nos recherches. C’est pour cela que nous sommes là, non ?
    
    J’acquiesce et me penche pour mieux regarder les documents qu’elle étale sur la table.
    
    — J’ai trouvé la carte dont vous m’avez parlé, c’est celle-ci. Datée de 1520, c’est la toute première carte où figure l’île, nommée à l’époque Jo de Lisboa. Elle a été dessinée par le cartographe portugais Jorge Reinel.
    
    Elle me pointe l’indication de l’île de son ongle rouge qui pourrait griffer mon dos avec plaisir. Elle fait glisser une autre carte par-dessus et m’explique que celle-ci est anonyme et date de 1537. Une île y est dessinée au même emplacement que sur le document de Reinel, mais nommée cette ...
    ... fois-ci, Ja de Lixa.
    
    — C’est la même île, continué-je. J’ai découvert que le cartographe est lui aussi portugais, il s’appelle Afonso Maia, originaire de la paroisse Vila Cova da Lixa.
    — Tout ce que nous apporte cette deuxième carte comme preuve est que deux navigateurs portugais ont croisé l’île. Il semble y avoir quelques latitudes de décalage par contre, remarque-t-elle.
    
    Je grommelle et rajoute :
    
    — Puis soixante ans plus tard, en 1597, les cartes des Hollandais Van Langren et Van Linschooten…
    — Oui, mais cette fois-ci, toujours au sud de Santa Apollonia…
    
    Elle redresse son cou et me fixe de ses yeux noirs :
    
    — Le nom que portait La Réunion à l’époque. Deux îles sont représentées : Juan de Lisboa et, pour la première fois, Dos Romeyros dos Castelhanos…
    
    Convaincu par mes recherches précédentes, j’affirme sans sourciller :
    
    — Dos Romeyros dos Castelhanos est une île imaginaire. On ne l’a retrouvé que sur la carte de Van Keulan, une seule fois, cent ans plus tard.
    — Mais si vous pensez que Juan de Lisboa existe, qu’est-ce qui vous fait croire le contraire pour Dos Romeyros… ?
    
    Dorothée est pertinente dans ses questions et je souris d’un air de satisfaction :
    
    — Car je suis allé aux archives royales de La Haye pour comprendre. J’y ai trouvé le journal de bord du navigateur Van Keulan qui disait, et je cite de mémoire : « La VOC [l’acronyme de la Compagnie néerlandaise des Indes Orientales] m’incitait à faire figurer l’île. Je n’ai qu’une carte vierge sur ...
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