1. L'album photo d'Anne 2


    Datte: 17/10/2024, Catégories: Entre-nous, Hétéro Auteur: Laetitia sapho, Source: Hds

    ... ainsi, toujours ensemble, amusait les confrères, surtout que nous étions les benjamins de l’agence, un peu les mascottes. Epsilon était une petite famille. Rien à voir avec l’ambiance entre reporters ou photographes en général, concurrents qui se tiraient la bourre. Et ça, nous le devions à Hubert Flandrin, le patron de l’agence, qui avait insufflé cet état d’esprit.
    
    Avec Pierre, travailler sur les mêmes reportages n’était pas toujours possible. Nous étions donc perpétuellement par monts et par vaux, ensemble ou séparément. Finalement, notre petit logement de la rue Custine, nous n’y étions pas si souvent que ça, ou pas en même temps du moins. C’est aussi pour ça que lorsque nous y étions conjointement, il se transformait en nid, en oasis de quiétude, après la folie des reportages et de notre vie d’ailleurs.
    
    Notre rêve ultime était de partir ensemble au Vietnam, le graal à l’époque quand on faisait ce métier. Mais le Vietnam était réservé aux journalistes les plus aguerris. Nous étions jeunes et pas loin d‘être des débutants encore. Surtout moi, je n’étais photographe de presse que depuis quelques mois, même si j’avais frappé fort avec deux ou trois clichés. Mais à Epsilon, si tu prenais la grosse tête, Flandrin se chargeait de te faire revenir sur terre vite fait.
    
    En plus, quand on envoyait un reporter ou un photographe au Vietnam pour couvrir la guerre, c’était pour une période assez longue. Ceux travaillant pour Epsilon et présents sur place ne devaient pas ...
    ... rentrer avant plusieurs mois.
    
    Avec Pierre, nous rongions donc notre frein. Nous en parlions souvent, nous attendions notre tour. Mais il était hors de question pour nous d’y aller séparément. Nous n’envisagions même pas d’être séparés pour six mois, au moins. Même si le Vietnam était notre objectif, il était hors de question d’y aller l’un sans l’autre. Nous avions prévenu Flandrin.
    
    Nous étions début 69, un matin, Flandrin nous a convoqués tous les deux. Dans un premier temps, nous pensions que notre tour était venu. Nous étions comme fous :
    
    - Bon, les amoureux, vous partez tous les deux au Biafra.
    
    - Au Biafra ? Nous lui avons répondu en cœur et presque déçus que ça ne soit pas le Vietnam.
    
    Une fois ce sentiment de déception passé, nous avons réalisé ce qui nous arrivait. Notre premier vrai reportage loin du pays depuis nos aventures Tchécoslovaques. Et nous y allions ensemble ! Je me suis retenue de sauter de joie :
    
    - Attention, continua Flandrin, ça ne va pas être une partie de plaisir. La situation politique est tendue là-bas, la guerre fait rage. J’ai une autorisation, pour vous deux, pour pouvoir aller dans un camp de réfugiés. Vous pourrez y rester plusieurs semaines si besoin. Ramenez-moi quelque chose qui sort de l’ordinaire. Sortez des sentiers battus, des clichés habituels. Ça c’est bon, j’ai ce qu’il faut. Je veux un autre éclairage.
    
    - Mamie ? Le Biafra, c’est quoi ?
    
    - Euh, oui, je m’emballe…
    
    En 1967, le Biafra, une région au sud du Nigeria a ...
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