A voté ! - Histoires de Sexe

A voté !

... change, se montrer souple mais pas soumise, suffisamment libre et capricieuse pour ne pas ressembler à une docile bobonne, susciter un peu d’agacement, mais davantage de désir. La dernière fois, j’ai menti effrontément en prétendant avoir voté Poher.
— Vous avez l’âge de connaître cet homme-là ? Comme tout sénateur qui se respecte, il passait déjà pour vieux du temps de mon grand-père.
— Ma connaissance est purement livresque. Pour satisfaire les fantasmes de leur mari, certaines femmes investissent dans la lingerie. Moi, je me documente. Je suis devenue incollable sur toutes les élections, leurs slogans, leurs programmes, leurs scores.
— Pour Poher, il vous en a voulu ?
— Pas trop. «Tant que tu ne votes pas Lecanuet ou Deferre, il n’y a pas lieu de demander le divorce » a-t-il placidement réagi en haussant les épaules.
— Je vois. Il est sujet à un léger décalage horaire ou il est tout simplement débile ?
— Il roule en Peugeot 504. Porte des rouflaquettes, des slips moule-burnes, des cravates en pelle à tarte et des pantalons à pattes d’eph en tergal. Tirez-en les conclusions que vous voulez.
— Dans ce cas, il est juste débile. Ce n’est pas une opinion, c’est un diagnostic.

Elle acquiesça d’un air navré.

— Et si ce n’était que ça, Docteur… Ajoutez « éjaculateur précoce » à votre rapport et aux nôtres. Pour une fois qu’il est en avance…

Le digne stoïcisme avec lequel cette jeune et agréable personne affrontait un destin matrimonial si contraire lui valut de ...

... gagner toute mon admiration. Et tout autant l’émouvant spectacle offert par la vue plongeante sur l’échancrure de sa blouse dont je profitais sans vergogne. Le professionnel que je suis respecte à la lettre le serment d’Hippocrate et n’abuse jamais de la situation. Il est aussi un peu blasé de la vision de toutes ces paires de loches pas forcément appétissantes qui se découvrent dans son cabinet. Mais cette patiente-ci formait un cas clinique bien plus intéressant, une exception tout à fait remarquable, stupéfiante, même, et c’est presque à regret que je constatai l’amélioration soudaine de son état, qui m’empêcha par décence de me livrer à l’auscultation.

— Bruno Louchais, enchanté, fis-je, en jugeant que notre conversation avait atteint ce degré d’intimité et de confidence qui ne supportait plus l’anonymat.
— Comme l’acteur des Deschiens ?
— Non, suivez plutôt mon regard, répondis-je en lui offrant un échantillon de strabisme convergeant sur son corsage.
— Enchantée, moi aussi. Agathe Deblouze, réagit-elle en riant aux éclats.
— Comme Jamel ?
— Non, plutôt comme une blouse, rectifia-t-elle en déboutonnant davantage encore la sienne. Quelle chaleur, ici, j’ai bien peur de faire à nouveau un malaise !

C’est moi qui me sentis envahi par le vertige à la vue de ces fermes propositions électorales qui se moquaient de toute évidence de bénéficier ou non d’un soutien. On a tout de suite envie de prendre sa carte, et d’autant plus que quelque chose vous murmure à l’oreille ...