1. Tout se joue le 18 juin.


    Datte: 26/04/2024, Catégories: f, h, cérébral, fantastiqu, Auteur: Aventurine, Source: Revebebe

    L’imposant poste TSF est posé près de moi et plaqué contre ma joue. Je l’ai réglé au minimum de l’audible. Si j’attire l’attention paternelle, il va encore me reprocher de passer des heures à écouter les programmes radiophoniques. Selon lui, c’est du temps qui serait mieux investi dans mes corvées à la ferme. Pourtant, ce soir encore, je suis allongé sur la remorque plateau entreposée dans le hangar. Malgré mes tensions musculaires liées aux travaux des champs, je parviens tout de même à me détendre ainsi installé. Les rayons du soleil couchant s’infiltrent à l’oblique par les interstices des planches du toit. Un peu ébloui par leur éclat, je contemple en plissant les yeux la multitude de particules en suspension révélée par cette lumière. Comme sous les faisceaux de projecteurs, ces fines poussières défilent et dansent au gré de la brise qui les transporte.
    
    A mon oreille, une voix masculine égrène les actualités du front d’un ton monocorde. Toujours les mêmes nouvelles, à peu de choses près. D’un air las, j’observe le trou béant laissé dans le toit par les derniers combats. Deux planches arrachées pendent lamentablement au-dessus des bottes de foin stockées dans le fenil. Puis une autre voix retentit, celle d’un général dont je n’ai jamais entendu parler. Le ton est tellement véhément que j’en frissonne. L’appareil toujours plaqué contre l’oreille, je tente de hausser légèrement le volume pour mieux comprendre la teneur du discours. Lorsqu’il s’achève, je réalise que ...
    ... mon cœur s’est emballé et que des gouttes de sueur ruissellent le long de mes tempes et de mon cou. Non, ce n’est pas de la peur. Allez Marcel, reprends-toi, tu es jeune, tu vas sortir de ce trou perdu et aller te battre. Ton père sera tellement fier de toi. Il se débrouillera tout seul, il l’a répété tant de fois !
    
    La voix nasillarde ne tarde pas à prendre le relai de celle du général et je n’écoute plus rien. J’ai accumulé tellement de peur en moi ces derniers mois que je ressens à nouveau cette oppression dans ma poitrine. Respirer… Je ferme les yeux quelques secondes puis les rouvre. J’ai tellement envie de me battre pour ce qui me semble bien. Mais je crois que j’ai peur.
    
    Les miaulements continus de mon chat, tapi sous la remorque, me tirent de mon sommeil. Je n’ai pas dormi plus de quelques minutes mais le soleil s’est couché, comme pressé de se retirer après sa longue journée. Soudain, j’aperçois un bref éclat dans le ciel par le trou béant de la toiture. Comme une lueur métallique fugace. Intrigué, je cligne des yeux et scrute la toile céleste bleu marine, encadrée par les planches poussiéreuses. Quelques secondes plus tard, je suis à nouveau aveuglé par la même lueur, qui semble s’être rapprochée. Elle se déplace dans les airs comme un engin volant. Un avion ? Non, trop petit… Sans quitter le ciel des yeux, je me redresse lentement avec une grimace de douleur, prenant appui sur mes coudes avec précaution. Saletés de courbatures.
    
    C’est à ce moment-là que je le ...
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