1. Des nouvelles de Caracas


    Datte: 20/04/2024, Catégories: vacances, caférestau, fête, voyage, autostop, bateau, nonéro, lettre, aventure, lettres, Auteur: Ian, Source: Revebebe

    Caracas le 30 janvier 1985
    
    Chère Mâ,
    
    C’était bien sympa de t’avoir au téléphone hier tout comme les petits paquets qui m’attendaient régulièrement à Fort-de-France. Tu sais que la carte postale, la photo souvenir, la babiole ne sont pas mon fort, aussi tu ne m’en voudras pas d’avoir vécu ces trois semaines merveilleuses dans les Antilles sans toucher la plume.
    
    Mais les souvenirs sont bien plantés dans ma tête et quelques notes journalières viennent m’appuyer pour entamer le récit style journal de bord que je te dois. Tu n’y perdras pas au change.
    
    Tu as paru surprise, voire inquiète, à l’annonce de ma récente démission du Gazebo, pourtant je crois qu’après quelques explications tu suivras le cheminement de ma pensée et tu comprendras ma décision.
    
    Après six mois de visa touristique, il m’a fallu solliciter le «Transeunte», c’est un des visas qui permet de travailler légalement pendant un an au Venezuela.
    
    Mon patron, Robert Provost, qui nage dans les eaux merdiques de relations d’une faune corrompue s’est chargé de la tâche, moyennant invitation au Gazebo, en m’expliquant que nul ne peut obtenir ce visa sans relations et autres genres de magouilles.
    
    Au 1er octobre dernier, je lui remets donc mon passeport, confiant.
    
    Dans ce pays, il n’est pas question de sortir sans papiers, surtout pour un étranger.
    
    Le risque de se retrouver en taule est trop grand. J’ai dû passer dix jours sans sortir du Gazebo. Puis, en trépignant, j’ai obtenu un laissez-passer au ...
    ... moins pour circuler dans la ville. Ce papier était renouvelable de trois semaines en trois semaines.
    
    À chaque fois, il me fallait réclamer ce droit de circuler, de sortir, qui chez nous est primordial. Mon âme rebelle a bien mal accueilli cette situation, me faisant rejeter jour après jour la politique de ce pays. Pas moyen de le quitter non plus puisque sans passeport. Alors je me suis armé de patience en me jurant que ça s’arrangerait et qu’une fois la liberté retrouvée, je marquerais le coup.
    
    Novembre et décembre, quand tout le monde préparait ses vacances, je ne pouvais toujours pas être sûr de quitter le pays. Cela a duré jusqu’au 20 décembre. Mon passeport récupéré, la cavalcade a commencé pour obtenir le billet d’avion, obtenir un autre papier (genre carte d’identité) pour pouvoir en sortir un autre qui prouve qu’on a payé ses impôts… et ça coûte 500 Bolivares.
    
    Et enfin, l’unique vol Air France de la semaine pour la Martinique affichait complet le jeudi 3 janvier.
    
    Une collègue de travail, responsable de la boutique du Gazebo et qui travaillait avant chez Air France, m’a proposé de descendre à l’aéroport de La Guardia avec elle et son mari qui partait à Paris par le même vol.
    
    Grâce à la dévotion de cette personne, l’angoisse de ne pas partir s’est volatilisée quand, après une heure de parlementations à l’enregistrement, on m’a remis une carte d’embarquement rouge et or « première classe ».
    
    Après de chaleureux remerciements à ces braves gens, je monte ...
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