1. Mahoko


    Datte: 11/03/2024, Catégories: fh, asie, Collègues / Travail amour, rencontre, amouroman, Auteur: Roy Suffer, Source: Revebebe

    ... fourchettes que moi avec des baguettes. Le plat principal est une révolution pour leurs palais, et je pense qu’à leur retour « potofu » ne tardera pas à devenir un fleuron de la cuisine nipponne. Les digestifs rares sont très appréciés, un peu trop à mon goût, heureusement qu’un chauffeur les attend en dînant sobrement en cuisine. Dès qu’il les aura emmenés à l’hôtel, il prendra la direction de Dijon pour nous attendre à la gare TGV le lendemain matin.
    
    Visites de caves joyeuses, ils repartent avec chacun un carton de trois grands crus. Déjeuner à Beaune avec les spécialités locales : kir, douzaine d’escargots, œufs en meurette ou en « couille d’âne », bœuf bourguignon, époisses frais sur pain d’épice toasté, jusqu’aux pets-de-nonne. La traduction littérale les fait hurler de rire. Rapide, mais indispensable visite des hospices, et nous reprenons le TGV pour être à l’heure pour leur départ vers le Nord. C’est dans le train qu’ils entrent en grand conciliabule et appellent Mahoko à leur secours. Sa jolie silhouette s’incline à maintes reprises, mais son visage ne traduit aucune émotion. Quand ils ont terminé de la questionner, elle revient s’asseoir près de moi. J’ai un coude sur le bord de la fenêtre, la tête appuyée sur la main, mais elle saisit discrètement mon autre main entre les deux sièges et la serre.
    
    — Ça y est, murmure-t-elle comme une banalité, ils m’ont demandé l’adresse d’un bon restaurant pour vous inviter ce soir. Ils restent, c’est gagné.
    
    Cache ta ...
    ... joie, putain, cache ta joie et ton soulagement ! On n’aura pas fait tout ça pour rien. Et signer un contrat avec le leader mondial de l’automobile, non seulement c’est l’affaire de l’année, mais ça vous classe une entreprise. Je reste impassible. Ils m’appellent : « Jérôme-san, Jérôme-san ». J’y vais, avec ma doublure-son, bien sûr. L’invitation est faite, mais ils font encore jurer à Mahoko que son restaurant est véritablement très bon. Ils veulent absolument m’honorer parce que la visite que je leur ai préparée était un véritable enchantement. Je serre les dents sur mon demi-sourire un peu crispé en faisant mes trois courbettes. Mahoko s’éclipse un instant pour appeler le restaurant sur son mobile.
    
    Il me faudra attendre le quatrième saké pour que, comme par magie, le contrat proposé apparaisse sur la table. Ils le signent tous les trois, je le signe tout seul. Puis le grand patron sort un chéquier grand comme un catalogue de papiers peints et aligne une belle quantité de zéros. Ce truc-là, seule la Banque de France l’acceptera, mais ce n’est pas un problème. Je vais enfin pouvoir quitter ma position assise sur les talons que j’ai conservée stoïquement tout le repas. Mais là, coincé ! Je ne parviens pas à me déplier et à retrouver mon équilibre vertical, je ne sens plus mes mollets ni mes pieds. Mahoko vient à mon secours et m’enlace à bras le corps, juste le temps que le sang revienne dans mes gambettes torturées. Pourtant, je m’étais entraîné. Ça les fait bien rire, ils ...
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