Nutella - Histoires de Sexe

Nutella

... n’étant plus en couple, il réussit l’exploit de me pourrir la vie.
— Ça tombe bien.
— Pourquoi ?
— Je suis tueur à gages.

Un long silence a suivi, et elle a tourné son visage hébété vers moi, avant de se détendre en y apercevant mon grand sourire.

— Je déconne. Je suis serrurier.
— C’est vrai ?
— Je vais vous le prouver. Je ne suis pas en service, mais j’ai toujours un petit attirail dans le coffre de la bagnole.

Effectivement, c’était un boulot fastoche. Autant ne pas verrouiller ce genre de serrure, d’ailleurs, parce que ça ou rien…

— C’est bien ce que je pensais : une vieille serrure à barillet des années 50, de qualité médiocre. Laissez-moi dix secondes… Et voilà le travail ! Sésame, ouvre-toi !

C’est fou comme ça impressionne les gens, un miracle. À sa façon de me regarder les bras ballants, j’avais l’impression d’être Jésus venant de ressusciter Lazare.

— Bon, vous la prenez, la clef de la bagnole ?

Elle a fouillé dans un gros pot juché sur un meuble Ikea dans l’entrée, l’a vidé, retourné, a juré, paniqué…

— Et merde…
— Bredouille ? Alors faut la commander au garage. Appelez-les. Pendant ce temps-là, je vais vous changer le cylindre, j’en ai justement un de compatible dans la trousse. Ça vous mettra à l’abri des visites de votre ex-compagnon. Ou de celui qui vous aurait chauffé le trousseau. Planquez déjà vos surgelés dans la glacière. Et ça vous dérangerait de mettre mes commissions au frais ?

J’ai démonté le cylindre, placé le nouveau, ...

... de la bonne longueur et méchamment plus sûr, réglé le jeu du pêne dans la gâche, graphité le tout, replacé les caches. Merci qui ? Et puis je l’ai vue qui me regardait dans le couloir, à la fois attendrie et désolée.

— Vous êtes vraiment formidable, et je suis vraiment nulle. Ils ont besoin du numéro, chez Renault, voire de la carte…
— Logique. Et alors ?
— Tout est dans la boîte à gants de la Clio… Et puis même en brisant la vitre, après, faudra encore le temps que ça arrive à la concession. Compter deux jours ouvrables.
— Bon. Je vois. Vous en avez vraiment besoin, de cette cage ?
— Oui, et dès ce soir.
— Vous auriez un vieux cintre en fil de fer, genre un de ceux qu’on vous refile chez le teinturier ?

Et c’est comme ça que je me suis retrouvé dix minutes plus tard de retour sur le parking du supermarché à glisser l’outil improvisé sous le joint de la fenêtre, partir à la pêche du levier prolongeant le verrou, ouvrir la porte. Puis court-circuiter le Neiman en trafiquant le faisceau de câblage, pour que le contact des cosses lance le démarreur. Le moteur a ronflé. Je lui ai montré comment faire, tout était généreusement isolé, mais lui ai malgré tout recommandé la prudence.

— Bon, évidemment, c’est plus rustique que vraiment catholique. Mais à court terme, ça vous dépanne. Passez dès que possible au garage.
— C’est certain. Merci. Vous avez été si adorable, si généreux…
— Avec plaisir.
— Bon, eh bien alors, au revoir, murmura-t-elle en hésitant à approcher ...