Nutella - Histoires de Sexe

Nutella

... regardée. C’était plus tout à fait la même nana. Il y avait un charme un peu doux et mélancolique dans son regard gris-vert, souligné par un léger pli sous la paupière inférieure, pas une poche, non, juste un trait léger. J’adore ça, chez une fille, c’est tout sauf un défaut à mes yeux, ça enveloppe le regard d’un mélange de mystère et de douceur, en particulier si elle sourit. C’est pas non plus qu’elle sautait de joie, la nana, mais ma main tendue lui donnait comme un petit sursaut d’énergie, et ça suffisait à me payer. Elle a accepté en toute simplicité, m’a remercié mille fois, et on a mis le cap sur son adresse.

— Elle est pas toute jeune, votre bagnole, a-t-elle remarqué en route.
— La vôtre non plus.
— Non mais au moins celle-ci est-elle magnifique.
— Alfa Romeo GTV, moteur 2.5 litres à six cylindres en V. Un peu capricieuse, mais je lui pardonne tout. Et puis elle a pas beaucoup roulé ces dernières années, alors je la soigne et je la fais tourner. Entre elle et moi c’est parfois l’amour vache, elle m’accable de son faisceau électrique, mais c’est ma danseuse préférée, fine, racée, expressive…
— Elle est de quelle année ?
— 1984, l’année de ma naissance. On appelle ça uneyoungtimer, je ne sais pas ce que je dois en conclure pour moi-même. On en voit parfois des rouges, mais cette robe verte est plus rare et lui va bien, je trouve.
— Elle est pas démodée pour un sou, la ligne est magnifique…
— Un peu une époque de transition pour les bagnoles. Un des derniers ...

... coupés vraiment latins. Prenez le détail des pare-chocs : ils sont encore apparents, rajoutés, bien intégrés, discrets. Après, on n’a plus eu droit qu’à des gros boucliers bulbeux en matière synthétique.
— Un peu comme pour les nichons des gonzesses, a-t-elle ri, avant de rougir de son audace.
— Je n’osais pas le dire !

Ça m’a surpris, et amusé aussi, cette remarque que j’aurais plutôt attendue d’un mec. Mais on n’a fait qu’effleurer ce sujet si joliment sensible, parce qu’elle m’a aussitôt montré du doigt un pâté de maisons.

— On est arrivés… Vous pouvez vous garer là, j’en ai pour deux minutes à peine…

Elle a disparu derrière une haie qui masquait un petit pavillon sans âme. Cinq minutes plus tard, elle n’était toujours pas revenue, alors j’ai coupé le contact et je suis allé voir. Je l’ai trouvée échouée à la verticale près de la porte, le visage appuyé contre le chambranle, et masqué par ses cheveux comme par un rideau.

— Putain, qu’est-ce que je suis conne…
— Un problème ?
— La clef de la baraque est sur le même trousseau que celle de la Clio.
— Et vous ne pouvez pas appeler un proche qui aurait un double ?
— C’est mon ex. Ce salaud ne me l’a jamais rendue quand il m’a plaquée pour sa pouffe siliconée. Depuis lors, tout est un combat, tout est mesquin. Parfois, il passe sans prévenir, même et surtout quand je suis absente, sous prétexte de venir récupérer un truc qui ne lui appartient même pas. Si je l’appelle, il va me rire au nez, cet abruti. Même en ...