La finisseuse - Histoires de Sexe

La finisseuse

... faire ce que vous me reprochez. En vérité, je n’ai que faire de votre jugement. Je veux juste aujourd’hui vous dire qu’une femme amoureuse, vraiment amoureuse…
— À la vie, à la mort, disiez-vous. Dans votre cas, surtout à la mort ! Il est vrai que vous vous définissez comme unefinisseuse.
— Une femme amoureuse ressent des choses au moment où son homme quitte ce monde qu’aucune machine ne peut enregistrer, qu’aucun médecin ne peut imaginer, et probablement qu’aucune magistrate ne peut tolérer. Pour cela, et c’est ce que je veux dire à la femme que vous êtes, il faut prendre le corps de l’amant à pleines mains, lutter au corps-à-corps contre la grande faucheuse, lui cracher à la gueule aussi longtemps qu’un filet de vie circule dans l’être aimé. Mais il faut aussi savoir reconnaître sa défaite et laisser partir l’amant. Vous m’avez demandé ce que je pensais de mon avenir en quittant mon job séance tenante. Vous avez la réponse. En regard de ce que la vie entre les bras de Bastien allait m’offrir, la question était juste sans objet. Nous avons partagé l’intense de la vie. Je lui devais de respecter l’intense de la mort après l’avoir repris entre mes bras.
— Avez-vous quelque chose à ajouter ?
— En débranchant les machines qui entretenaient une vie fallacieuse dans le corps de Bastien, je ne l’ai pas tué. Je lui ai ouvert la porte de la vie éternelle, comme nous avons ouvert ensemble la porte de l’intense absolu en partant par monts et par vaux.
— Regrettez-vous votre geste fatal ?
— Je ne regrette aucun geste que j’ai eu par amour pour lui. Et malgré vos insinuations et vos jugements à mon égard, je vous souhaite de pouvoir un jour le comprendre.

1.↑ Janis Joplin :Me and Bobby McGee