Modèle de femme
Datte: 30/01/2024,
Catégories:
fh,
complexe,
école,
amour,
cérébral,
Voyeur / Exhib / Nudisme
nonéro,
portrait,
rencontre,
Auteur: Mlle Fanchette, Source: Revebebe
... Certaines postures se révèlent douloureuses à la longue, mais je tiens toujours le plus possible, coûte que coûte, c’est ce qu’avec Lucas nous appelons l’orgueil du modèle. Bouger, c’est tricher ! Il arrive que ce soit nécessaire, après tout, nous ne sommes pas là pour souffrir et si certains grands peintres ont failli tuer leurs modèles, ce n’est pas dans les habitudes de Garance. Le tout est de savoir démonter puis remonter la pose à l’identique, ou au moins, s’en approcher le plus possible. Personnellement, je trouve qu’il est plus difficile de tenir après avoir bougé… à partir de là, je ne tiens plus en place, alors moins je gigote et mieux c’est.
Dans tous les cas, le corps se refroidit inexorablement et je sens les muscles se raidir malgré les étirements rapides que je fais entre-deux. Ce métier est ainsi : le froid, le silence, la solitude, alors j’observe, je regarde distraitement ce petit monde.
Fred, un artiste local dans la cinquantaine, me regarde par-dessus ses lunettes, la tête presque immobile, alors que ses pupilles font un va-et-vient incessant. Cathel plisse les yeux derrière la chaise sur laquelle elle a appuyé sa planche et s’agace de ses feuilles toujours trop petites. Tant pis, il en manquera un bout. Hilke, elle, se tient face à moi, assise sur sa chaise et son chevalet toujours sur le côté. Elle me quitte peu des yeux, vérifiant rarement ce que fait sa main. Aurélien est drôle parce qu’il a un tic dans la mâchoire quand il travaille, mais dès ...
... qu’il observe, ça s’arrête pour reprendre aussitôt de retour sur sa peinture. Et puis, il y a Yvan… Lui passe un certain temps à m’étudier avant de revenir à son carnet, juste pour noter les repères qu’il a longuement pris, et me revoilà sous l’intensité de ses yeux. C’est troublant…
Régulièrement, l’un ou l’autre se déplace pour trouver un meilleur angle ou pour profiter du temps rallongé pour multiplier les croquis. Le champion dans ce domaine, c’est Pierre. Je l’ai rarement vu passer plus de dix minutes sur un dessin. Il se régale pourtant pendant les poses longues, enchaînant trois, quatre, parfois cinq croquis. Il aime bien aussi faire des portraits de l’un ou de l’autre, capter l’expression concentrée de ses camarades.
Garance annonce la dernière pose : trente minutes.
Pour les temps longs, les postures sont plus alanguies, avec des préférences pour l’horizontalité, même si les poses assises ne sont pas rares. D’ailleurs, je me redresse pour m’appuyer le dos au mur et me ramasser un peu sur moi-même pour essayer de conserver un peu de chaleur. J’étends une jambe devant moi, l’autre repliée dessous. Je me suis calé, la nuque dans une main, le coude en l’air, et mon autre bras repose sur mon ventre.
Au bout de quelques minutes, je me rends compte que je n’aurais jamais dû prendre cette posture : le poids d’une cuisse sur le pied pour une demi-heure, c’est du suicide. Trop tard, ils ont déjà attaqué, je vais me débrouiller avec ma circulation sanguine qui commence ...