Gourdasse - Histoires de Sexe

Gourdasse

Godiche, une grande « gourdasse », pensai-je en la regardant entrer et en l’écoutant…C’est pas possible : si je ferme les yeux, j’ai l’impression d’entendre Shirley, du duo comique Shirley et Dino… Et ce sourire niais, permanent : elle a un deux de Q.I. cette pauvre fille… Et la copine de Pôle-Emploi qui me dit : « prends-la en stage, tu verras, tu risques d’être surpris… » Et quand elle rit, c’est encore pire, on dirait qu’elle tousse dans les aigus et qu’elle ronfle en respirant..

— Mais avant Pôle-Emploi, vous avez fait quelque chose ?
— Ben nan, puisque je cherche du travail…
— Oui d’accord, mais vous n’avez pas eu votre BTS à vingt-cinq ans, si ?
— Oh nan ! Je l’ai eu à vingt et un ans, comme tout le monde.
— Et depuis cinq ans vous n’avez rien fichu ?
— Ah ben si, mais c’était pas du vrai travail, enfin… pas avec un contrat.
— Quoi alors ?
— Ben, j’ai donné des coups de main chez mes parents, un peu caissière, un peu mise en rayon, un peu étiquetage… Et puis chez ma tante qui est coiffeuse, plutôt laver les cheveux…
— OK. C’est un BTS de quoi que vous avez ?
— Communication.
— Ah ouais. Et… ça sert à quoi ?
— Ben, à communiquer… enfin, mieux, je veux dire…

C’est dommage parce qu’elle n’est pas mal du tout. Très balaise, mais pas grosse, heureusement vu sa taille. Elle doit faire au moins un mètre quatre-vingt ou pas loin. Bien proportionnée, longues jambes, tout ce qu’il faut là où il faut… Le visage est un peu mou, mais des yeux superbes, verts, ...

... très verts, d’un vert profond genre malachite, et très en amande. Mais alors, « sois belle et tais-toi ! », il faudrait l’anesthésier !

— D’accord. Et pour nous, vous pensez pouvoir faire quelque chose en communication ?
— Ben, j’sais pas… Je peux voir votrepress-book ?
— Mon quoi ?
— Lepress-book, le recueil de toutes vos publicités… coupures de presse, opérations de communications, messages radio ou télé, flyers…
— Ah, je ne crois pas qu’on ait ça, je me renseigne…

La belle affaire, voilà qu’elle va nous donner des leçons avec son air niais, pensai-je en téléphonant à ma secrétaire. La voilà qui entre avec une chemise dans laquelle trois pages de journaux jaunies se battent en duel, oubliées au fond d’un tiroir depuis quatre ou cinq ans. Je lui tends la chemise.

— Vous savez, ce n’est pas notre premier souci. Et puis nous avons une charte nationale et régionale de communication, on la suit à la lettre, un point c’est tout…
— Donc vous avez plein de boulot à faire dans ce domaine, répond-elle placidement avec toujours ce sourire niais.
— Peut-être. En tout cas, c’est un domaine inexploré qui peut faire l’objet de votre stage…
— Ben alors… je vais d’abord reconstituer votrepress-book et on verra après ?
— Pourquoi pas ?

On l’installe dans un coin, on lui met un vieil ordinateur inutilisé et un téléphone, et je n’entends plus parler d’elle pendant trois semaines. Tout juste si, de temps en temps, les éclats de son rire idiot parviennent jusqu’à mon bureau. ...