Le premier mai, je fais ce qu'il me plaît. - Histoires de Sexe

Le premier mai, je fais ce qu'il me plaît.

... moi.

Il avait l’air fatigué, mais les cernes qu’il avait sous les yeux le rendaient un peu plus charmant bizarrement. Malika, cette conne, avait un poil raison. Je le trouvais élégant et, quand il négociait ou présentait un projet, son assurance d’antan m’avait une ou deux fois émoustillé la couenne.

— Ça vous… ferait du bien de vider votre sac ? lui proposai-je en lui tendant le sandwich et la bière.
— Merci pour ça. Pour le sandwich et la proposition thérapeutique, fit-il dans un léger sourire.
— Y’a pas mal de monde qui attend après vous, je sais bien que ce n’est pas facile.
— J’ai l’impression d’être dans la presse, l’injecteuse n°2.
— Celle à 2500 bars ?
— Ouaip.

On pouffa ensemble. Mais l’image de la pression qu’il subissait était assez claire.

— J’ai… commença-t-il en s’arrêtant juste au milieu.
— Quoi donc ?

Il me regarda dans les yeux, en mâchonnant sa bouchée, sa canette à la main.

— Vous savez qu’on dirait presque un syndicaliste, là comme ça ? lui envoyai-je pour le détourner un peu de son hésitation.

Il pouffa une deuxième fois et faillit envoyer un morceau de merguez à travers la pièce.

— Malheureuse ! Si vos chefs de section départementale voient ça, ils vous retireront votre mandat !

À mon tour, je ris aussi. Il regarda à nouveau dehors. Il avait un truc à sortir, et il y parvint enfin.

— J’ai reçu une offre d’Altichem.
— Les enculés… lâchai-je sans m’en rendre compte. Oh, pardon !
— Ne vous excusez pas, continua-t-il, ...

... j’ai dit la même chose, mot pour mot.
— Ils n’attendaient que ça pour nous racheter.
— Le gros avale le petit, fit-il presque comme un adage.
— C’est vos idées qui les intéressent, notre engagement à tous aussi, et notre savoir faire. Dans les trois cas, ils ne comprennent pas que nous noyer dans leur gigantesque usine en trois-huit ne fera que faire disparaître ce qui… fait notre succès.
— Merci de ne pas avoir dit ça au passé, me dit-il en me regardant avec douceur.

Il était aux abois, mais semblait encore sûr de lui. Cette douceur qui émanait de son regard se mêlait à une étrange force que son allure assez fluette ne laissait pas paraître au premier abord. Oui, Malika, cette conne, avait raison : il me plaisait, et ça ne datait pas d’hier.

— Vous… allez accepter ?
— Si je ne trouve pas d’autre solution, il faudra bien. Ils m’ont assuré vouloir reprendre tout le monde, et en CDI, ce qu’ils ne font pas habituellement.
— Mouais, ils sont les rois de l’intérim et du CDD à tiroirs.
— Au moins, chez eux vous vous ferez enfin les dents sur du coriace, comme déléguée.
— C’est pas faux.
— Mais vous avez tort, Marie, ça n’est pas vraimenttoute la Fabrique qui les intéresse, et c’est ça le problème.

Il s’assit sur son bureau, posa sa bière et le reste du sandwich en croisant les bras. Il me regardait comme il l’avait fait des centaines de fois, dans cette position typique qui n’appartenait qu’à nous deux : il me mettait au défi de trouver une meilleure idée que la ...