1. L'album photo d'Anne 3


    Datte: 21/11/2023, Catégories: Entre-nous, Hétéro Auteur: Laetitia sapho, Source: Hds

    ... ?
    
    C’était Jacques, le journaliste avec qui nous avons quitté la Tchécoslovaquie en voiture.
    
    - J’ai vu Pierre dès son arrivée à Saigon, j’ai été désolé d’apprendre que vous n’étiez plus ensemble. Il s’est confié à moi. Je crois qu’il avait besoin d’en parler à quelqu’un. Pierre ne s’en est pas vraiment remis de votre séparation. Pas du tout même, on peut dire. Il était même désespéré. Il en faisait trop, prenait trop de risques. Un peu comme s’il n’en avait plus rien à faire. Personne n’aurait suivi cette patrouille de GI en plein territoire Viêt-Cong. Une mission de reconnaissance bien trop dangereuse. C’était un peu n’importe quoi. Pourtant, il l’a fait. Même l’état-major américain ne voulait pas, trop risqué. Au début, ils ont refusé d’envoyer un journaliste avec cette mission. Je ne sais pas comment il a pu les convaincre, mais il y est arrivé. Ils sont tombés dans une embuscade en pleine jungle. On n’a plus de nouvelles d’eux depuis trois semaines. On ne sait pas s’ils sont morts, blessés, prisonniers. Les hélicoptères chargés de les retrouver n’ont rien vu, ni retrouvé un seul des soldats de la patrouille.
    
    La mission de reconnaissance devait précéder une offensive des Américains et de l’armée sud-vietnamienne dans la région de Danang. La seconde patrouille n’a rien pu trouver de plus.
    
    La fameuse offensive a eu lieu, et on les a retrouvés. Ils étaient retenus dans un camp de prisonniers, en pleine jungle.
    
    C’est l’ambassade de France qui m’a appelée à ...
    ... mon hôtel. Pierre a été rapatrié dans un hôpital militaire à Saigon. Il était blessé à l’épaule. Une blessure pas vraiment grave, mais l’absence de soins lors de sa détention, avec de surcroît de mauvaises conditions d’hygiène, l’avait affaibli. Et puis surtout, il était psychologiquement atteint. La détention a été courte, mais très dure.
    
    J’ai couru à l’hôpital militaire où il se trouvait.
    
    Quand je suis entrée dans sa chambre, il s’est tourné :
    
    - Anne, c’est toi ? Tu es là, tu es venue ?
    
    - Oui.
    
    Ce oui a été le seul mot que j’ai prononcé avant de me jeter dans ses bras. Nous avons pleuré tous les deux serrés l’un contre l’autre.
    
    L’émotion de le retrouver, sain et sauf, de nous retrouver tout court, ce mélange de joie, de soulagement, c’était si fort, que nous alternions sanglots et rires. Puis il a tenté de parler, d’expliquer, de se justifier. Ce que je lui avais refusé de faire au moment des faits.
    
    - Au Biafra, Mary a pété un plomb. La pression psychologique était trop forte. C’était sa première mission aussi loin de chez elle et aussi longue. Je l’ai réconfortée et de fil en aiguille, il s’est passé ce qu’il s’est passé. Je regrette, tu ne peux pas savoir à quel point. C’était n’importe quoi. Je faisais n’importe quoi, j’en étais conscient, mais je l’ai fait. Je suis impardonnable. Je t’aimais plus que tout, je t’aime encore. Je t’aime encore plus fort.
    
    - Chut, l’important, c’est que nous soyons là, ensemble et vivants. La priorité, c’est que tu te ...
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