1. L'album photo d'Anne 3


    Datte: 21/11/2023, Catégories: Entre-nous, Hétéro Auteur: Laetitia sapho, Source: Hds

    - Bon Mamie, tu continues ton histoire ? Tu t’es arrêtée hier soir à un moment passionnant. Papy a disparu au Vietnam, tu pars à sa recherche. Mais vous étiez séparé à ce moment-là ? Vous n’étiez plus ensemble !
    
    - Oui, mais j’étais malheureuse bien évidemment de cette séparation. Mon amour-propre et mon ego m’avaient empêchée de chercher à le revoir, de recoller les morceaux. J’ai préféré disparaître de sa vie, ne pas écouter les explications qu’il aurait pu me donner. J’ai mis mes sentiments de côté, préférant essayer d’oublier, plutôt que de renouer, ou au moins d’essayer de comprendre.
    
    Mais là, apprenant sa disparition, l’amour que je lui portais, malgré tout, m’a explosé au visage. Même si j’en étais convaincue, enfin que je cherchais à m’en convaincre plutôt, je n’étais pas en mesure de passer à autre chose et d'oublier votre grand-père. Je me cachais les choses, par fierté surtout. Je croyais me protéger aussi. Mais je ne me protégeais de rien du tout. Depuis Orly, j’errais comme une âme en peine. Ma seule parenthèse aura été Woodstock où j’ai été sur un nuage un peu hors du temps. Contrairement à ce que je pensais, les semaines qui s’écoulaient ne me permettaient pas du tout de passer à autre chose.
    
    Pour moi, il n’y avait qu’une seule alternative, partir au Vietnam pour essayer de le retrouver, au moins savoir ce qui lui était arrivé. J’étais bien sûr morte d’angoisse, la preuve que j’étais toujours amoureuse. Et pas qu’un peu.
    
    Flandrin a cédé bien sûr. ...
    ... Je n’ai pas eu beaucoup à insister pour le convaincre. Sous ses airs bourrus, c’était un grand sentimental.
    
    La première chose que j’ai faite en arrivant à Saigon, c’est d’aller aux nouvelles à l’ambassade de France. Ils n’ont rien pu me dire. Ils m’ont dirigé vers l’état-major américain.
    
    Là non plus, je n’ai pas appris grand-chose. Des hélicoptères avaient été envoyés sur place. Ils n’ont trouvé aucune trace de la patrouille. Pas de corps surtout, ce qui pouvait être rassurant en soi. A priori, ils avaient été faits prisonniers, donc sûrement toujours vivants.
    
    Ils comptaient envoyer une nouvelle patrouille sur place. J’ai voulu en être. Evidemment, ils ont refusé. Perdre un journaliste la foutait mal. En perdre deux…
    
    Je me promenais dans les rues de Saigon. Je prenais des dizaines de photos. Saigon était un spectacle permanent. Là-bas, je me posais à un coin de rue, et j’assistais à la pièce qui se jouait devant moi. J’ai vu et photographié des dizaines de scènes complètement décalées. Un type poussant un vélo avec un réfrigérateur attaché sur le porte-bagage. Un autre type toujours sur son vélo qui tenait d’une main une longue tige en bambou où étaient accrochés des chapeaux vietnamiens, certainement à vendre. Bien sûr, il a perdu l’équilibre et il est tombé. Les chapeaux ont roulé dans tous les sens au milieu du carrefour, ce qui a provoqué un embouteillage de vélos.
    
    Deux jours après mon arrivée, j’ai entendu une voix, derrière moi :
    
    - Anne, c’est toi ...
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