1. L'album photo d'Anne 3


    Datte: 21/11/2023, Catégories: Entre-nous, Hétéro Auteur: Laetitia sapho, Source: Hds

    ... sédentarité en trouvant une place dans un magazine. Il n’était plus grand reporter, mais simple journaliste. Enfin journaliste d’opinion, puis éditorialiste.
    
    Après une vie passée à prendre tous les risques pour que l’information puisse être connue du plus grand nombre, cette nouvelle vie a été compliquée pour lui au début. Puis il s’y est fait. Il avait tout vu aussi, finalement. Toutes les horreurs surtout.
    
    Même s’il se le cachait à lui-même au début, cette vie, près de sa femme, de ses enfants qu’il n’avait pas forcément vu grandir, il en avait envie aussi, d’une certaine façon. Et puis, il avait de temps à autre des crises de paludisme, contracté au Vietnam pendant sa détention. Pourtant, parfois, je voyais bien, quand il était songeur, le regard dans le vague, que courir le monde lui manquait.
    
    Pour ma part, je n’étais plus à Epsilon. Flandrin avait pris sa retraite. Avec ses successeurs, ce n’était plus pareil. On est entrés dans une nouvelle ère. Celle du sensationnel et de la rentabilité. C’est ce qui a précipité ma retraite anticipée.
    
    Au début, j’ai couvert de temps en temps certains évènements, mais je partais de moins en moins souvent à l’autre bout du monde. J’étais mère, les enfants grandissaient et à chaque fois, j’avais l’impression de les abandonner. Et puis face à cette course à l’information, au sensationnel surtout, qu’on nous imposait, j’ai perdu cette soif de vérité, de découverte qui m’animait à mes débuts. Le traitement fait des photos que ...
    ... je ramenais, m’indisposais. Après Berlin, j’ai raccroché. J’ai raccroché mon appareil photo, surtout. Rostropovitch, c’était une belle façon de raccrocher. La boucle était bouclée. J’ai eu la même sensation qu’à mes débuts, celle de vraiment vivre l’histoire. Le monde changeait radicalement en 1968. La société bougeait. Au moment de la chute du mur, j’ai eu ce sentiment. Une fois de plus, le monde allait être bouleversé. Cela aurait pu m’inciter à continuer. Au contraire, ça m’a fait arrêter. La boucle était bouclée, comme je viens de dire.
    
    Votre grand-père, toute sa carrière, aura pris des risques et il est mort d’une crise cardiaque quelques mois après notre retraite ici, en 2009.
    
    Voilà ma vie les enfants. Notre vie, à votre grand-père et à moi.
    
    Si je m’arrête pour en faire le bilan ?
    
    Que du positif. Hormis notre courte séparation en 1969, une vie de bonheur et d’amour fusionnel. Et d’aventures aussi. Nous avons vécu notre amour à fond. Pas que notre amour d’ailleurs, nous avons vécu notre vie à fond. Nous avons fait un métier qui nous aura comblés.
    
    Il y a eu des moments compliqués, des doutes, des moments de peur aussi. C’était un métier dangereux, où nous prenions des risques, mais où nous nous sommes réalisés. C’est aussi grâce à ce métier que nous nous sommes rencontrés surtout. Ce métier, nous l’avons fait ensemble.
    
    Quand il est mort, j’ai été bouleversée bien entendu, mais voyez-vous, j‘étais presque contente qu’il parte de cette façon. Le matin, il ...
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