1. Vague scélérate


    Datte: 24/10/2023, Catégories: ffh, vacances, voyage, bateau, Oral pénétratio, aventure, Auteur: Roy Suffer, Source: Revebebe

    ... câble au sommet du piton, deux autres qui replient le spi, laissant une trace d’herbe jaunie.
    
    — Ordre de ne laisser aucune trace, préservation de l’environnement, explique le gradé.
    
    Puis notre hélico décolle pour nous poser deux minutes plus tard sur le pont du navire. Ce qui est le plus terrible pour nous, c’est ce boucan infernal qui traumatise nos oreilles habituées au silence. J’ai comme l’impression que le calvaire de l’ouragan recommence. On nous assigne, il n’y a pas d’autres mots, trois cabines séparées avec un troufion devant chaque porte. On nous file à chacun une salopette bleu clair emballée de nylon, direction les douches, séparées elles aussi, bien entendu. Et nous devons placer nos vêtements dans des sacs… poubelles, ou du moins ça y ressemble. Puis, direction l’hôpital du bord. On nous fait souffler, cracher, pisser, on nous pompe du sang, on nous braque une lumière dans les yeux, dans la gorge, dans les oreilles, pas dans le trou du cul, mais pas loin, pour nous entendre dire :
    
    — Par mesure de précautions, vous êtes en quarantaine le temps d’avoir le résultat des analyses.
    
    Super, le retour à la civilisation ! Et ce n’est pas fini. Car ensuite, viennent les questions, filmées et enregistrées, et nous sommes toujours séparés. Il faut tout raconter de A à Z dans les moindres détails. Craignant qu’ils envoient des plongeurs pour deux ou trois jours de recherches supplémentaires, j’omets volontairement de parler des restes humains aperçus depuis la ...
    ... falaise. Les retrouver, les rapporter et les identifier ne les ramènera pas pour autant à la vie. La vie, c’est nous, et j’ai hâte de rentrer. Ce qui me dérange le plus, c’est le barouf permanent des gros diesels qui nous propulsent en trois jours vers la Réunion. Bruit sourd, permanent, obsédant. Je demande les résultats de mes analyses, on ne me répond pas. Retour en cabine, toujours surveillé. Plateau-repas trois fois par jour, bouffe dégueulasse.
    
    Arrivée à la Réunion, il y a foule sur les quais du Port, des journalistes de tout poil qui filment et photographient notre épave sur le pont. Descente par une passerelle de coupée, encadré chacun par deux militaires. Dans la cohue, je n’ai même pas le temps d’apercevoir mes amis de Saint-Pierre qui doivent pourtant être là. On m’engouffre dans un fourgon de gendarmerie, il y en a un pour chacun de nous trois. Direction, le commissariat. Et rebelote, il faut à nouveau tout raconter. Cette fois, c’est une gendarmette qui saisit mes déclarations au fur et à mesure sur ordinateur. Impression de la dizaine de pages, on me tend la dernière :
    
    — Signez ici s’il vous plaît…
    — Désolé, mais je veux d’abord lire avant de signer.
    — Comme vous voulez, c’est votre droit.
    
    Je lis, en profitant pour entourer d’un coup de stylo rageur la douzaine de fautes par page. Pas de quartier. Ils me font chier, moi aussi. Et enfin, j’arrive au bout et déclare :
    
    — Non, je ne signerai pas ce torchon !
    — Vous avez tort, vous allez vous attirer des ...
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