Vague scélérate
Datte: 24/10/2023,
Catégories:
ffh,
vacances,
voyage,
bateau,
Oral
pénétratio,
aventure,
Auteur: Roy Suffer, Source: Revebebe
... à peine le temps d’en enfiler un que la proue pique dans le bas du nouveau mur d’eau avec une violence inouïe, comme si le bateau allait passer cul par-dessus tête. Quand la flotte s’évacue des vitres, plus de capitaine.
— Capitaine ! Capitaine ! hurle le matelot. Prends la barre, M’sieur, me dit-il.
Et il sort lui aussi. Oui, mais la porte du poste part d’un coup et frappe la paroi extérieure dans un grand fracas. Elle retombe, plus tenue que par la charnière du bas. Putain, me voilà bien ! J’aurais été ravi de piloter ce gros trimaran par beau temps, mais là, ça me paraît au-delà de mes compétences, surtout avec le vent et les paquets de flotte dans le dos qui peu à peu envahissent tout le poste. Le garçon court vers la poupe, je l’aperçois un bref instant en jetant un coup d’œil par-dessus mon épaule, lançant une bouée fixée à un très long cordage qui se déroule à une vitesse folle. Je me cramponne à la barre, on arrive au creux de la descente et, de nouveau, le choc de la proue plantée dans l’eau. De nouveau, le bateau remonte et l’eau s’évacue, sauf dans le poste. J’en ai jusqu’à mi-mollet. On est mal, on est mal ! Et le fiston qui ne revient pas. Je ne peux pas tenir la barre et essayer de remettre la porte en place. Soudain, un grésillement suspect, et schlack ! Plus de courant, tout a sauté. Plus d’écrans, de phares éclairant le pont, plus de manœuvres possibles puisque tout est électrique dans ce fichu bateau. Grand moment de solitude. Pour moi, c’est bon, ...
... l’affaire est pliée, il n’y a même personne pour entendre mes dernières volontés. Le fiston ne revient pas, lui non plus ne reviendra sans doute jamais. À moins qu’il n’utilise la bouée et le bout qu’il a lui-même lancés. Je n’ai pas le temps d’une prière, ni pour moi, ni pour les deux marins, ni pour les cinq autres passagers qui sont en dessous, dans leurs cabines, et doivent vomir tripes et boyaux sans se douter de ce qui se trame. Aussitôt, c’est un nouveau plantage de proue, encore plus violent, accompagné de craquements sinistres, comme si on avait heurté quelque chose. Bien qu’arc-bouté à la barre, je la prends en plein estomac, le souffle coupé pendant dix secondes. Heureusement que le gilet de sauvetage a en partie amorti le choc. Cette fois, c’est la fin. On va tous crever et disparaître « corps et biens » – comme dit cette expression stupide – bouffés par les crabes et les requins.
Pourtant, tout avait bien commencé… ou presque. En fait, c’est mon toubib, devenu un copain à force d’aller le consulter pour sciatiques, vertèbres en vrac, intestins en capilotade et autres arythmies cardiaques, qui m’a dit un jour :
— Si tu ne fais pas un break d’urgence, le burn-out est pour demain. Je ne plaisante pas.
Alors je décide de m’octroyer un mois de vacances. Oui, mais pas à ne rien faire, pour moi, impossible. Je pense à mes amis qui habitent Saint-Pierre à la Réunion, ce serait sympa et dépaysant d’aller leur rendre visite. Ils m’accueillent avec joie, c’est la ...