D'une terre à une autre - Histoires de Sexe

D'une terre à une autre

... belle. Il nous faudra quelque temps… mais j’achèterai cette damnée île…
— C’est combien quelque temps ?
— Des dix de fois, et encore des dix fois de jours…
— Je sais compter maintenant…
— Je sais. Je te taquinais. Quelques mois. Une année…
— C’est trop long.
— J’aurai retrouvé mes amis. Je l’espère. Ou des gens m’aideront. Ils feront des choses pour moi, contre de l’argent. Ils feront des papiers pour moi, et achèteront l’île pour nous. Pour toi. Nous serons revenues chez nous pendant ce temps… et quand l’île sera à toi… tu pourras choisir de rester pour toujours…
— Tu mens pas, là ! Je sais. Ça vaut quoi, notre île ?
— Écoute-moi d’abord. Personne n’a pu toucher à la plus grande partie de ma fortune. Et j’ai assez de confiance envers mes amis. Assez confiance pour penser qu’ils ne m’aient pas trahie, en dilapidant la part sur laquelle ils ont des droits. Il en sera ainsi encore un peu. Mais un jour, on pensera que je suis morte quelque part…
— T’es pas morte, là !
— Non. Et je n’ai pas l’intention de mourir. Surtout pas aujourd’hui ! Mais si personne ne me revoit sous quelques années…
— T’auras plus ton or…
— C’est ça… l’achat de ton île entamera ma fortune pour une bonne part…
— Je ne sais pas ce que tu dis Aylin…
— Je dis… qu’elle n’est pas si chère ton île…

Le regard émeraude de la mulâtresse affronta les immenses yeux gris de l’Irlandaise.

— Et nos mules ?

Une certaine angoisse se lisait dans les yeux verts, et l’Irlandaise sourit encore, cette ...

... fois avec un réel amusement.

— Nous pourrons voir avec ces gens… pour les embarquer avec nous…
— Oui. C’est bien ça.
— Nos mules, oui… elles se débrouillaient très bien sans nous, avant que nous les rencontrions. Tu comprends ?
— Oui.
— Donc ?

Vanna, les yeux maintenant plantés sur la pointe de roc qui se dressait au-dessus de la petite falaise, resta un très long moment sans parler. Puis, sa voix, douce et comme voilée, monta dans le silence du soir tombant.

— Tu discutes avec les gens. On reste si on peut rester. Sinon on part… après tu achètes notre île. On revient. C’est bien comme ça. C’est bien, hein, ma chérie, Aylin ?
— C’est parfait, ma belle.
— Je vais allumer le feu du signal alors.
— Je vais y aller moi.
— Non !

Vanna s’était relevée dans un lent mouvement.

— C’est moi qui dois le faire… C’est moi qui ai vu le bateau…

Vanna avait vu le navire. Et malgré la brusque terreur qu’elle avait pu éprouver, elle était venue prévenir sa compagne. La rouquine avait admiré le courage de la jeune femme, comme elle s’était émue de la confiance que la jeune métisse avait envers elle. Malgré ses peurs, Vanna se livrait aux décisions d’Aylin. Car évidemment, la jolie métisse accepterait les choix de la femme qu’elle aimait. L’Irlandaise s’étonna de ne rien ressentir. Elle n’avait pas peur. Elle n’éprouvait pas plus de soulagement, ou la moindre curiosité. La voleuse qu’elle avait été aurait certainement éprouvé d’autres sentiments et se serait laissée aller ...