D'une terre à une autre - Histoires de Sexe

D'une terre à une autre

L’Irlandaise regardait le radeau resté sur la plage. La grève, si proche de son petit habitat. Leur habitat. Leur « chez nous », comme disait sa compagne. Les deux femmes avaient beaucoup œuvré, mais le travail était bien fait. Les deux grottes que la rousse avait découvertes à son arrivée étaient aujourd’hui parfaitement aménagées. Une cabane assez vaste pour deux avait été construite par les naufragées. Une habitation rudimentaire, certes, mais plus proche d’une maisonnette de bois que d’une simple cabane. Un peu plus loin se dressaient deux petits enclos couverts, pour abriter les animaux. Cochons, poules et poulets. Un abri plus grand servait de refuge aux deux mules. Joliette et Joliet se promenaient libres la plupart du temps, mais ne passaient jamais la nuit hors de leur enclos. Les deux mules avaient changé la vie des femmes. Les distances étaient plus faciles à parcourir, à dos de mules. Le couple de montures pouvait porter leurs affaires dans les déplacements, et les soulageait de ces corvées. De plus, Joliette et Joliet étaient de bonne compagnie. Aujourd’hui, Aylin Temple et Vanna Durougiers, cette dernière refusant d’entendre prononcer son nom d’esclave, ne manquaient plus de rien, et elles vivaient une vie simple et heureuse.

Le petit esquif laissé sur la grève servait pour quelques explorations le long des côtes de l’île, ou pour poser palanques et casiers en mer. La rouquine, assise nue sur la pierre plate, paraissait plongée dans ses réflexions, un ...

... pâle sourire sur ses lèvres pleines. La grande femme rousse soupira profondément, son regard gris, posé sur les petites vagues qui tentaient de manger le sable.

Le temps avait filé comme une comète dans le ciel. La voleuse était arrivée en Afrique de l’Ouest en milieu d’année 1730, contrainte d’être sur place pour la longue saison des pluies. Les pluies étaient sa seule solution pour accéder à l’antre des quarante voleurs. Puis, elle avait quitté le continent africain en fin de cette année. Ensuite, des bateaux, et des voyages jusqu’à l’Espagne. Des mois de labeur, pour placer son immense fortune dans plusieurs établissements bancaires, et traiter d’autres affaires. Ensuite, l’Irlandaise avait entrepris un dernier petit périple, à destination de Majorque. Quelques derniers investissements de son immense fortune, et ce serait un retour pour l’Irlande. C’était durant ce court voyage que la goélette du capitaine Delmaro avait été abordée. L’Irlandaise avait réussi à sauver sa peau. Un petit miracle, qui s’était mué en un véritable cauchemar. La rouquine s’était échouée sur cette île. Une île qui n’en était pas vraiment une. Après une rapide exploration des côtes, la voleuse comprenait qu’il s’agissait plutôt d’un vaste îlot, abandonné de Dieu et des hommes. C’était la pleine saison chaude de l’an 1731. La voleuse avait d’abord détesté cette terre désertée, avant d’apprendre à l’aimer. Un revirement d’humeur et de situation. Un grand changement, uniquement dû à la présence de ...