D'une terre à une autre - Histoires de Sexe

D'une terre à une autre

... à d’autres émotions. Elle n’était plus cette femme. Elle se sentait calme. C’était étrange.

Debout, la rouquine laissa son regard embrasser les petites vagues, qui luisaient doucement sous le ciel étoilé. Un sloop approchait de son île. Un sloop qui, sans leur signal, aurait toutefois abordé l’île. L’Irlandaise l’avait compris. Qui pouvaient bien être ces gens ? Et que venaient-ils faire ici ?

Aylin suivait des yeux la petite escalade, entreprise par sa compagne. Vanna était presque arrivée au sommet. Là, elle déshabillerait le bûcher de son emballage de vieilles voiles, badigeonnées de résine. Puis, Vanna mettrait le feu au tas de bois. Après cela… Une nouvelle aventure leur tendrait les bras. Et cette fois, l’Irlandaise sacrifierait tout ce qu’elle avait, sa vie comprise, pour que cette nouvelle épopée soit une vie de joies pour Vanna.

La grande rousse bougea quand le bûcher s’embrasa. Maintenant, elle devait s’armer, et elle ne quitterait plus Vanna des yeux. Elles ne risquaient certainement rien, mais la rouquine se sentit brusquement plus tendue.

— Te revoilà la voleuse… tu ne me manquais pas…

Un étrange sourire étira les lèvres pleines, et le regard gris vira à des nuances plus sombres. Les deux femmes s’étaient entraînées pratiquement chaque jour. Épées et dagues. Pistolets et fusils. Vanna était devenue une adversaire très dangereuse. Elle le serait tout autant, face à d’éventuels ennemis. Il suffisait de comprendre que quand sa vie était en jeu, ...

... tuer était l’unique solution. La voleuse n’avait jamais cessé d’asséner cette vérité à Vanna, durant leurs longues joutes armées. La jeune métisse était bien plus habile de ses dagues que ne l’avait jamais été la rouquine. Et, puisqu’il semblait qu’elle reprenait vie, la voleuse veillerait au grain. Simplement au cas où.

Vanna sauta d’un bond souple par-dessus le dernier rocher, et atterrit avec souplesse sur la terre herbeuse.

— Putains de Dieux… Qu’est-ce que je t’aime, toi…
— T’as dit quoi, chérie Aylin ?

Une chaloupe sur la grève, et six hommes prenant pied sur le sable. Une grande femme rousse aux cheveux coupés courts. Une femme vêtue de frusques de marins, pistolets à la ceinture et mains sur ses dagues. Une naufragée, marchant calmement vers les arrivants. Derrière la femme rousse, venait une jeune négresse. Elle aussi habillée comme un marin. Une mulâtresse, fusil et pistolet prêts à faire feu, qui suivait la rouquine à une dizaine de pas.

L’aventurière avait versé ses premières larmes, en reconnaissant Armando Delmaro. Puis, elle avait éclaté en sanglots en se jetant dans les bras de Romuald Larivière, avant d’enlacer également Gustave Lampaul. Quelques instants plus tard, la jeune métisse courait pour se coller contre la rouquine, totalement affolée, et pleurant elle aussi.

L’Irlandaise ne se souvenait pas avoir autant pleuré, et ce, en incluant ses pires années de misère. Quant à la jolie mulâtresse, elle n’avait aucun souvenir où elle avait eu du ...