Aïcha, ou les exils
Datte: 30/06/2019,
Catégories:
fh,
ff,
hotel,
anniversai,
amour,
confession,
historique,
Auteur: Asymptote, Source: Revebebe
... qui d’anis, de piment, de vanille, de safran ou de cumin. Et notre jacassante communauté alors de s’enflammer évoquant les cieux noirs chargés de mousson, les rigueurs blanches de l’hiver, l’émeraude des oasis, les terres écarlates de l’île ou la floraison rose des fruitiers. Nous troquions tout : des livres et des revues, les outils les plus divers, de menus services et travaux, des cours de français et des gardes d’enfant. Il ne s’agissait en rien d’un nivelage, mais bien d’un enrichissement réciproque. Que de soirées passées au pied de l’immeuble à griller des sardines ou des côtelettes odorantes avant de s’adonner à d’interminables parties de pétanque. Immédiatement, je me liais plus particulièrement à Elzbieta, la Polonaise et Faranirina, la Malgache.
Dans ce cocon naquit d’abord au bout de deux ans, Bertrand, rejoint au bout de dix-huit mois par sa sœur Claire que j’aurais appelée Aïcha si Kadour ne s’y était pas obstinément opposé. Cet accroissement de la famille nous permit ainsi de grimper d’un étage dans l’immeuble et de troquer notre deux-pièces étriqué du rez-de-chaussée contre un somptueux appartement comptant trois chambres assez spacieuses. Malgré cette ambiance et cette curieuse intégration, nous cédions régulièrement à des crises de contagieuse et sombre nostalgie qui nous amenaient parfois à faire l’amour en pleurant.
Le bâtiment avait le vent en poupe et Kadour en profita, créant sa propre entreprise de plâtrerie. Moi-même, je préparais le concours ...
... interne d’infirmière ce qui m’entraîna dans des cours du soir et me valut le soutien d’un médecin originaire d’Allemagne de l’Est qui ne tarda pas à me faire entendre qu’il espérait retour sur investissement. Tout cela impliqua un redoublement d’activité et fréquemment, nous ne nous retrouvions vraiment que le week-end, épuisés par le boulot de la semaine.
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Faranirina que nous appelions tous Fara par commodité et tantôt Farah Diba, pour rire, était femme au foyer où elle effectuait des travaux de couture à l’intention d’une enseigne de la ville. Elle nous proposa de garder nos enfants. Cela nous arrangeait bien et je nourrissais une véritable tendresse envers cette jeune et ravissante Malgache aux cheveux de jais coupés au carré, au visage très rond qui lui conférait une physionomie enfantine. Elle n’avait d’africain que le nez un peu épaté et la couleur de la peau singulièrement mate et cuivrée, mais très claire néanmoins. Son minois s’illuminait de magnifiques yeux dorés allongés en amande, terriblement expressifs. Un sourire permanent, un brin triste, lui conférait un air un peu désolé, toujours attendrissant. De taille moyenne, elle présentait une poitrine forte et conquérante, de belles jambes longues aux cuisses musclées.
Nous nous sommes prises d’affection l’une pour l’autre dès notre première rencontre. Je la sentais si fragile et si désespérée que je voulus l’aider. Elle me confia ultérieurement qu’elle avait éprouvé de pareils sentiments à mon égard. ...