L'ouverture du bal
Datte: 26/05/2019,
Catégories:
nonéro,
regrets,
Auteur: Lilas, Source: Revebebe
... craignait de s’y brûler les ailes. Elle avait lu un jour une chose qu’avait écrite Oscar Wilde, et qui l’avait marqué : « l’avantage qu’il y a à jouer avec le feu, avait-il écrit, c’est qu’on ne risque jamais de se faire mal. Ce sont les gens qui ne savent pas jouer avec lui qui se brûlent… »
Liana se demandait si elle savait jouer avec ce feu qui lui brûlait les mains et lui consumait le cœur. Ce bourgeois flegmatique de Wilde avait-il raison ? Échouait-elle tout ce qu’elle entreprenait parce qu’elle ne savait pas anticiper les risques… ?
Elle avait mal, et rien ne pourrait la guérir. Pas même un Mr Tomaze. Pourquoi lui avait-elle fait confiance sans le connaître ? Puis Liana se corrigea intérieurement : lui avait-elle jamais fait confiance ? N’avait-elle attendu qu’un prétexte pour pouvoir le chasser de sa vie ?
Elle posa la tasse sur le radiateur, sous la fenêtre, et regarda soudain ses mains. Paumes ouvertes vers elle, elle remua ses doigts écartés, puis les serra jusqu’à ce que ses ongles lui entrent dans la peau. Sa vie ressemblait à ça, serrée dans un gant qui se refermait peu à peu sur elle, l’étouffant et la meurtrissant au fur et à mesure que les doigts invisibles lui entraient dans la chair. Quandil l’avait quittée, quandl’horrible chose était arrivée, elle s’était souvent plongée dans la contemplation de ses mains, les étudiant entre ses larmes, se demandant avec impuissance à quel moment elles avaient cessé de contrôler la situation.
Elle ouvrit ...
... lentement ses doigts, découvrant les croissants rouge sang de ses ongles, imprimés dans la paume. Longtemps, elle avait eu l’impression qu’elle ne retenait plus rien avec ces mains-là, que tout lui échappait, comme du sable glissant entre ses doigts. La terre semblait se dérober sous ses pas, et le ciel la plaquait contre le sol, l’empêchant de bouger. Elle ne voulait pas revivre ces moments. Pour rien au monde. Et avec le cahier et Mr Tomaze brusquement apparus dans sa vie, Liana commençait à se sentir aussi oppressée qu’avant.
Elle s’approcha du lit, et prit le cahier. Il fallait qu’elle le lise, et pourtant, elle repoussait le moment de la lecture autant qu’elle le pouvait. Ça ne servait à rien de se cacher la tête dans le sable.
Elle repensa aux livres de Mr Tomaze, et resta immobile un instant, songeuse. Puis elle se dirigea vers sa bibliothèque, choisit un volume, le feuilleta, jusqu’à ce qu’elle tombe sur le passage qu’elle recherchait. « Ce cerveau n’est rendu actif que par la volonté. Aussi, comme il n’a rien reçu, il ne rend rien. Il a le jeu de la pensée, mais n’en a pas la production. On sent l’effort, le travail, le soi, et tout, excepté le talent », lut-elle.
La référence attribuait cette citation à Joseph Joubert, tirée desPensées. Liana referma le livre, les yeux vagues, puis se posta devant la glace de son armoire, sans se voir, s’absorbant dans ses pensées.
C’était cela, oui, elle comprenait maintenant. Mr Tomaze n’avait rien reçu, alors il ne donnait ...