L'ouverture du bal - Histoires de Sexe

L'ouverture du bal

... ferait du bien.

La sonnerie de son téléphone portable la surprit en pleine dégustation de son café, et elle alla répondre avec un soupir de regret. C’était sa mère. Elle lui dit que tout allait bien, et qu’elle passerait la nuit dans son studio. Oui maman, je penserai à ton magazine demain en sortant du boulot. Au revoir maman.

En finissant son café, adossée contre la fenêtre, Liana pensait à Mr Tomaze malgré elle. Peut-être avait-elle été trop directe avec lui. Elle ne savait pratiquement rien de lui, et l’avait écarté de sa vie à cause de préjugés et de soupçons qui lui apparaissaient un peu hâtifs après coup.

Elle aurait dû le creuser un peu plus. Avec un peu de chance, elle en aurait appris davantage. Peut-être n’avait-il rien à voir avec le cahier. Pourquoi s’était-elle conduite de cette façon ? Avec une grimace, elle secoua la tête, perdue dans ses pensées.

Elle avait honte d’elle. Il avait trop insisté sur le cahier, et elle était tout de suite montée sur ses grands chevaux. Dès demain, elle l’appellerait pour s’excuser. Même si elle savait qu’il lui dissimulait certaines informations. Mais après tout, chacun avait le droit de garder secrètes ses pensées…

Machinalement, son regard s’était une fois de plus porté sur l’objet de ses pensées à elle, couché sur le lit à quelques mètres d’elle. Elle l’examina avec un frisson. Mr Tomaze lui semblait lié pour d’obscures raisons, et elle se sentait remplie d’angoisse à cette idée. Elle savait qu’il lui avait ...

... menti, et pourtant, elle avait la ferme intention de continuer à le voir. Pourquoi s’acharnait-elle autant ? Pour ses illustrations ? Elle trouvait désormais son projet sans envergure.

Les dés sont déjà jetés, songea-t-elle, le visage assombri.

Sans qu’elle ait une seule seconde imaginé le pétrin dans lequel elle se fourrait, elle était entrée dans l’histoire avec insouciance et naïveté, et commençait seulement à réaliser ce à quoi elle se frottait. Mr Tomaze était un homme solitaire, introverti, et dangereux, parce qu’il n’avait besoin de personne pour vivre. Elle avait l’impression qu’il ne côtoyait la société que par obligation. Quel secret demeurait-il dans le passé de cet homme, incrusté comme une tache indélébile ? Quel passé qui puisse lui donner ces yeux si usés ?

« Il semblerait que vous n’ayez confiance en personne », avait lancé Mr Tomaze d’une voix dure. Liana entendait sans cesse ces paroles, comme un disque rayé répétant la même phrase durant des heures. Avait-il raison ? Ne faisait-elle confiance à personne ? La souffrance se réveilla en elle, lui donnant un goût de bile dans la bouche. Elle vida sa tasse, contemplant le ciel gris, les éclairs, la pluie battante, à travers un rideau de larmes.

Elle avait peur. Elle se sentait abandonnée, perdue dans un labyrinthe de béton et de goudron noir, une ville où plus aucun repère ne guidait sa route. Mr Tomaze avait dégagé une lumière qu’elle s’était empressée d’approcher. Mais comme le papillon, Liana ...