1. Le début


    Datte: 22/05/2019, Catégories: fh, inconnu, prost, telnet, amour, init, poésie, amiamour, Auteur: Louise Gabriel, Source: Revebebe

    ... vieillir doucement, voir s’effacer ses attraits, se retrouver avec au creux du ventre la peur viscérale d’être passée à côté, d’avoir balbutié sa vie.
    
    Nous n’avons qu’une vie, qu’une seule, alors ne pas perdre ce temps si précieux, fuir ces putains de considérations judéo-chrétiennes qui embastillent l’âme et le corps dans des prisons d’un autre siècle. Elle pouvait lui donner son âme, il lui fut impossible de lui donner son corps à tout jamais.
    
    La magie de notre époque, suréquipée en technologie, offre certains avantages, la communication sans la parole, tapoter sur son clavier ses goûts et ses envies, chercher la perle rare qui saura la satisfaire, sans prendre aucun risque, caché derrière son écran.
    
    Et ils sont si nombreux les sites de cul en tout genre, les endroits où tout est direct, sans fard et sans ménagement. Tu veux baiser ce soir, cet après-midi, pas de problème, rendez-vous le jour même au café du coin et l’affaire est faite, emballée, pesée, pliée et sans passion.
    
    Mais l’on ne se dédouane pas aussi facilement de la culpabilité, ce foutu sentiment de tromperie.
    
    Se sentir irrémédiablement moche…
    
    Alors elle se dirigea vers autre chose, un peu différent : l’amour tarifé. Ils sont escort-boy, des pages entières sur le Net. Une façon déguisée, payer ça ne me fait pas pareil, soudain comprendre les hommes lorsqu’ils vont voir des prostituées, la rétribution comme une excuse, une indulgence pour ne pas se priver du paradis, pas tout à fait.
    
    Mais ...
    ... enfin, qu’est-ce qu’on peut en avoir à faire, du paradis, lorsqu’on ne croit en rien, vraiment rien du tout si ce n’est au paradis de la chair dans l’instant ? Et c’est ici et maintenant, pas dans deux mille ans, un Éden des plus hypothétiques.
    
    Elle a fini par en choisir un, presque par hasard. Compte tenu de l’offre, il était plus que malaisé d’en sélectionner un plutôt qu’un autre. Ils proposent tous la même chose ou presque, avec photo à l’appui pour décrire leur compétence, parce qu’il s’agit d’une véritable compétition dans notre société de consommation, se vendre le mieux possible. Elle se sentait comme devant un catalogue de vente par correspondance, sauf qu’ici il ne s’agissait plus de choisir la dernière paire de chaussures à la mode, mais quelqu’un pour satisfaire ses besoins de sexe, pour combler ses frustrations. Et ce n’était pas tout à fait la même chose.
    
    Le gagnant fut celui qui vantait le mieux ses mérites, lus à la hâte certes. La seule chose qu’elle avait retenue, c’est qu’il pratiquait un savant massage venu d’Asie, qu’il recevait chez lui, mais qu’il pouvait aussi se déplacer à domicile. Il lui parut le plus conciliant, et puis il avait cette phrase sur son site :« On paie pour bien manger, pourquoi ne paierait-on pas pour se faire bien aimer ? ». Il était brun, latin, un fantasme de chaleur, de tangos argentins, pour elle habitée de la musique déchirante des violons slaves.
    
    En fait, oui, pourquoi ne paierait-on pas pour ça aussi ?
    
    Quelques ...
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