1. La survivante


    Datte: 08/05/2019, Catégories: fh, mélo, sf, Auteur: Hidden Side, Source: Revebebe

    ... sa cage thoracique. Elle respirait encore…
    
    — Eva ? Eva, réveillez-vous ! Vous êtes sauvée !
    
    Espérant ne pas avoir à la secouer pour la tirer de l’inconscience, je me penchai sur cette pauvre chose. Les émotions qui tourbillonnaient en moi – soulagement, espoir, pitié, peur – firent exploser le barrage des larmes. Quelques gouttes salées atterrirent sur son visage diaphane. Je les balayai maladroitement. Eva Clarinsky ouvrit soudain de grands yeux effrayés.
    
    — P… Piotr ? fit-elle dans un souffle.
    — Tout doux ! la rassurai-je, me forçant à sourire. Je vais… je vais m’occuper de vous. Surtout, restez calme !
    
    J’avais suivi une formation aux premiers secours, dans une autre vie. Rien cependant qui m’ait préparé à une situation aussi critique. J’allais devoir improviser. Un début de panique monta en moi, que je refrénai aussitôt. Je devais à tout prix rester calme, méthodique, détaché. Pas question de perdre mon sang-froid, il en allait de la survie de cette fille !
    
    Je découvris que l’abri possédait un dortoir avec des lits superposés. Prenant mon courage à deux mains, je passai mes bras sous le corps d’Eva et la déplaçai sans effort jusqu’au plus proche matelas. Combien pouvait-elle peser ? C’était sans importance pour l’instant. Je sortis plusieurs kits de réhydratation de mon sac à dos et fixai une poche de soluté au montant du lit. Puis j’entrepris de poser une intraveineuse sur le poignet filiforme d’Eva. Pas évident, sur un sujet n’ayant plus que la peau sur ...
    ... les os.
    
    Deux heures plus tard, elle commençait à aller mieux, respirant avec moins de difficultés. Dès qu’Eva retrouva assez de force et de lucidité, je substituai des bouillons et des soupes aux perfusions, puis passai aux concentrés énergisants. Il lui fallut quatre jours de soins continus avant de pouvoir se nourrir et se lever seule.
    
    Durant ces dizaines d’heures passées à la veiller, Eva me détailla les épreuves qu’elle avait traversées. Malgré les torrents de larmes accompagnant le flot de ses souvenirs, cela semblait la soulager. J’écoutais donc avec attention, sans émettre le moindre commentaire.
    
    Ce qu’elle me confia était fragmentaire, décousu et souvent insoutenable. Son récit se grava à jamais dans ma mémoire.
    
    Eva était infirmière puéricultrice. Elle avait vingt-six ans quand elle avait rencontré Piotr Clarinsky, un jeune docteur Ukrainien venu faire sa spécialisation en France. Ils s’étaient mariés deux ans plus tard, après que Piotr eut décroché un poste d’obstétricien à l’hôpital Albert Chenevier, dans le service de néo-natalité d’Eva. Ils avaient acheté un appartement à Créteil, projetaient d’avoir deux enfants, passaient parfois des vacances dans la famille de Piotr, à Odessa, sur les bords de la mer noire.
    
    Le samedi du grand cataclysme, ils étaient chez eux, profitant d’un jour de repos. Comme la plupart de leurs concitoyens, ils avaient suivi en direct l’incroyable accélération du conflit. Quand Sarkozy avait annoncé les fameux tirs de missiles ...
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