1. La survivante


    Datte: 08/05/2019, Catégories: fh, mélo, sf, Auteur: Hidden Side, Source: Revebebe

    ... lessive hebdomadaire.
    
    À l’aide d’un entonnoir bricolé, je versai le contenu de la première bassine dans un jerrycan en alu. Puis, empoignant le réservoir presque plein, je descendis au dernier niveau de l’abri. Au fond de la pièce de stockage se trouvait une porte discrète, à peine visible. La porte de mon petit paradis personnel, tout à la fois solarium et lieu de recueillement. La serre hydroponique, où mes protégées sauraient mettre à profit le contenu du jerrycan.
    
    La serre était très différente du reste de l’abri. Les murs vert pastel tapissés de plaques luminescentes s’incurvaient pour former une haute voûte. Celle-ci supportait une quinzaine de grosses lampes solaires. Baignées par la lumière nourricière, les cultures aériennes s’étageaient sur plusieurs niveaux. Grâce à la supervision zélée d’un ordinateur, un réseau compact de capillaires irriguait chaque plant individuellement, lui apportant la dose exacte de nutriments nécessaires. Le système, entièrement automatisé, permettait d’obtenir des fruits et légumes d’une taille exceptionnelle. Et un rendement de plusieurs récoltes par an…
    
    Quand j’avais découvert cette installation, les lampes éteintes surplombaient des bacs à l’abandon, couverts d’une pourriture grisâtre et pestilentielle. Les flexibles arrachés croupissaient dans un liquide sombre, aussi dense que du purin. Un parfum de mort, une odeur de caveau imprégnait la serre saccagée. Les héritiers de ce joyau n’avaient visiblement aucun goût pour les ...
    ... plantes. Ce spectacle de désolation, qui évoquait avec acuité ce qu’était devenu la planète – un champ de ruines déserté – m’avait presque arraché les larmes. Résolu à remettre en état le potager oublié, j’avais passé le plus clair de mon temps dans la serre, travaillant comme un forçat, mangeant et dormant sur place à l’occasion. Grâce aux pièces de rechanges et aux semences trouvées dans la réserve, j’avais finalement pu faire revivre le grand œuvre du docteur Keller.
    
    Sans que j’en aie conscience, ces dures semaines de labeur m’avaient transformé. Peu à peu, j’avais accepté l’irréversibilité de ma situation, mon incapacité à secourir ma femme et ma fille. Mais je n’avais réellement retrouvé foi en l’avenir qu’en cueillant ma première tomate, une sphère rouge vif, à la fois charnue et sensuelle. Et tout à fait succulente, après des mois de nourriture lyophilisée. Depuis, je surveillais avec une attention indéfectible mes laitues, complimentais mes radis et mes melons, dorlotais mes courgettes. Une fois accomplie ma transe cycliste, c’est dans ce temple du légume que je terminais ma période de veille. L’air y était plus frais, plus vivifiant. Ici, je me shootais à la chlorophylle, je m’enivrais d’oxygène – le plus fort taux de tout l’abri –, je planais sous des soleils artificiels…
    
    De chaudes odeurs de fournil embaumaient la cuisine. Je venais d’extraire de la machine à pain un bloc compact et doré que je tronçonnais en tranches régulières. Bien que mon stock de farine ...
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