La survivante
Datte: 08/05/2019,
Catégories:
fh,
mélo,
sf,
Auteur: Hidden Side, Source: Revebebe
... porte blindée, je lançai la procédure de décontamination. Les recycleurs d’air se mirent poussivement en route et une eau boueuse jaillit de la pomme de douche au-dessus de moi. Priant pour que l’installation ait éliminé la plus grosse partie des éléments radioactifs me collant aux basques, j’ôtai ma combinaison.
Le second bac à douche, maculé d’un dépôt sombre à l’aspect terne, était occupé par une masse informe, recouverte d’une bâche plastique. Quelque chose clochait. Malgré le froid qui cristallisait mon souffle, l’air était imprégné d’une puanteur douceâtre, une odeur de viande en décomposition. Je ne pus résister à la tentation morbide de tirer sur la bâche. Elle me dévoila le cadavre d’un homme, dépecé jusqu’à l’os comme une vulgaire carcasse animale. Sur les chairs restantes, bouffies et noirâtres, grouillaient des vers. Le visage, méconnaissable, était tordu sur un cri inachevé. Saisi d’horreur, je reculai en luttant contre une brutale nausée.
— Merde ! Mais qu’est-ce qui c’est passé, ici ?
Un seul mot fusa dans mon cerveau. Anthropophagie. L’ultime recours en situation de survie extrême.
— Comment… comment ont-ils pu ? murmurai-je, révulsé.
Une évidence s’imposa à moi. Quand les rescapés avaient entamé leur terrible jeûne, une fois les derniers vivres épuisés, ils avaient été confronté à un choix atroce : une mort lente et douloureuse, ou bien… ça. Certains avaient dû choisir de se sacrifier pour prolonger la vie des autres. Qu’espéraient-ils ? ...
... L’arrivée de secours, qui de toute façon n’étaient jamais venus ?
— Bouge ton cul, Alain ! À présent, c’est toi, les secours !
Détournant le regard du cadavre, je réajustai mon sac à dos en frissonnant, puis me glissai hors du sas. Dés le seuil franchi, un fumet pestilentiel me sauta au visage, des odeurs d’excréments et d’urine. Essayant de filtrer ma respiration avec la manche de mon pull, des larmes acides brouillant ma vue, j’avançai prudemment dans cette atmosphère fétide.
Le couloir débouchait sur un lieu de vie assez vaste et abondamment éclairé. Un des murs était occupé par un évier en inox et quelques éléments de cuisine. Dans un coin de la pièce traînait une paillasse moisie, recouverte d’un monceau de couvertures. Seul un « plic, ploc » discret rompait le silence de mort régnant dans le bunker. Le goutte-à-goutte d’une canalisation crevée, sous l’évier, recueilli religieusement dans un seau en plastique.
Puis je vis Eva Clarinsky. Une poupée de chiffon et d’os, recroquevillée sur le sol de béton brut. À force de volonté et de courage, elle avait réussi à ramper jusqu’à sa cibi.
Je m’agenouillai à ses côtés, n’osant même pas l’effleurer. Sous la peau translucide, un réseau des veines bleues striait son front pâle et ses mâchoires émaciées. Ses yeux, enfoncés profondément sous l’arc orbital, ne semblaient jamais devoir se rouvrir. Un tel état de décharnement défiait le sens commun. Je crus qu’elle était morte, avant de remarquer le frémissement qui agitait ...