1902 - Eugénie à Paris (1)
Datte: 14/04/2019,
Catégories:
Lesbienne
Auteur: Orchidée, Source: Xstory
... de Londres, je dois encore le convaincre de ne pas me couper les vivres.
— Je deviendrai ton mécène, le tableau d’une aussi jolie muse dénudée vaudra bientôt une fortune.
Dans un coin du petit atelier en désordre, fiévreuse du compliment, Eugénie peinait à enfiler la robe généreusement offerte par Mary. Natalie se précipita à son secours, avide de savourer enfin le grain de peau velouté. Elle laissa ses doigts vagabonder plus que de raison sur les formes appétissantes sans éveiller les soupçons de sa proie.
Un nouveau visage se remarquait aussitôt dans l’entourage singulier qui papillonnait autour de la riche héritière réputée aussi fidèle en amitié qu’infidèle en amour. L’espoir de quelques faveurs financières motivait le plus grand nombre, certains auraient offert une fortune afin de la détourner de ses penchants saphiques le temps d’une nuit, d’autres se faisaient un devoir de séduire ses amantes éventuelles par jalousie.
Parmi les nombreux cafés-concerts en vogue à Paris, la Brasserie des Ambassadeurs sur les Champs-Élysées se démarquait par une clientèle aisée, difficile à atteindre pour les inspecteurs chargés de faire respecter la censure des chansons. Si l’émerveillement d’Eugénie charmait les habitués nimbés des volutes de fumée des cigares, la prévenance de Natalie à son égard dérangeait.
La réputation de l’Américaine élevée à Paris par une mère artiste peintre n’avait rien d’une fable. Certaine d’aimer les femmes à 12 ans, elle assumait ses désirs en ...
... public. La liste de ses conquêtes révélait certains grands noms, dont celui de la danseuse Liane de Pougy, de la romancière Lucie Delarue-Mardrus, de la conférencière Éva Palmer, de la cantatrice Emma Calvé, des poétesses Renée Vivien et Olive Custance ou encore de la comédienne Henriette Rogers, sans oublier l’écrivaine Colette.
Le passé d’Eugénie se voulait moins scabreux. Les propriétaires du domaine, parents d’une enfant de son âge, avaient veillé à son éducation sans arrière-pensée, arguant que les précepteurs devaient mériter leurs gages. Séduite par la voix de sa protégée devenue orpheline de père à 13 ans, la miséricordieuse comtesse avait même fait venir un maître de chant renommé en Italie.
Quand survint l’âge des premières confusions de l’esprit, du sommeil embarrassé de songes trublions, les demoiselles devenues amies se tournèrent vers une jeune servante qui s’empressa de les rassurer. Les bouffées de chaleur, les étranges sensations émanant du bas-ventre, les réveils en sueur, rien de tout cela ne devait les alarmer, Dame nature s’ingéniait à faire d’elles des femmes.
L’été suivant fut celui de la découverte de son propre corps par l’observation de celui de l’autre, à la fois si semblable et si différent. Les complices passèrent des jours entiers dans les sous-bois ou dans les champs de luzerne à la contemplation de leurs rondeurs entrecoupée de frôlements subtils. Son amie décréta bientôt la fin du jeu, elle entendait perdre prochainement sa virginité ...