1. Marcel


    Datte: 10/03/2019, Catégories: hhh, jeunes, copains, bain, campagne, caférestau, amour, cérébral, hsodo, historique, init, Auteur: Claude71, Source: Revebebe

    Le père Mathieu beuglait. Sa femme avait bien du mal à le calmer. Elle craignait qu’il n’attrape un coup de sang. Elle avait surtout peur qu’il étripe le petit Marcel. Elle l’aimait bien, le jeune matelot. Elle le considérait un peu comme son fils. Mais là, il n’y aurait plus moyen de le garder. Au mieux, elle allait essayer de retenir son mari jusqu’au moment où Marcel qui, en hâte, bouclait son sac, quitterait la péniche. Elle demanda, alors qu’elle connaissait la réponse :
    
    — Il t’a fait quoi, le Marcel, pour que tu lui gueules dessus ?
    — C’est une tapette, y s’fait péter la rondelle. C’est pas un mec, j’veux pas de ça chez moi. Quand j’pense que je l’ai recueilli comme mon gamin, que j’lui ai tout appris. L’aurait pu faire un bon marinier. Pas de tarlouse, ici. Qu’i s’barre ou je l’tue !
    — C’est un môme, ça lui passera.
    — Ben voyons ! Vu comme y chantait quand l’autre l’enfilait, l’est pas prêt de se calmer le Marcel. C’est un vicieux. Il a ça dans l’sang ! Qu’i parte ! J’en veux plus !
    
    Le père Mathieu avait fini par se calmer. Marcel s’enfuyait. Le jeune homme avait vingt ans. Depuis quatre ans, il était apprenti sur La Jeanne, la péniche du Père Mathieu qui l’employait comme matelot. Il lui avait tout appris. Après le certif’, il avait été placé. Il était enfant unique, orphelin de père. Il ne l’avait jamais connu, son père, mort à Verdun en 1917. Sa mère, comme veuve de guerre, avait obtenu la garde d’une écluse sur le canal du centre. Le travail n’était pas ...
    ... trop pénible et elle avait du temps pour s’occuper de son fils. Le jardin, pas de loyer, ça suffisait pour vivre mais pas pour payer des études à Marcel.
    
    Alors quand le père Mathieu lui avait dit qu’il cherchait un apprenti, elle lui avait parlé de son fils. Il pourrait servir comme matelot, puis marier la fille d’un marinier et s’installer à son compte. On ne gagnait pas des fortunes à naviguer sur les canaux et les rivières, mais on vivait dignement de son travail. Marcel avait accepté la proposition de sa mère. Il avait envie de voyager, depuis le temps qu’il voyait les péniches arriver, franchir l’écluse et s’en aller au loin. Il n’était jamais sorti de son trou et le face-à-face avec sa mère commençait à lui peser, même s’il rencontrait du monde à l’écluse.
    
    Maintenant, il courait, s’éloignait rapidement du chemin de halage. La Jeanne partirait bientôt. Ils ne s’étaient arrêtés que pour la nuit. Il ferait un grand détour, puis rejoindrait la Saône. Il irait, par étapes, à Chalon et, en suivant le canal, il retournerait chez sa mère. Il ne comptait pas y rester bien longtemps. Quand elle apprendrait pourquoi le Père Mathieu l’avait chassé, sans doute qu’elle ne voudrait plus de lui. Il n’avait pas d’argent, à peine quelques pièces et un gros pain qu’il avait piqué avant de s’enfuir. La Suzanne, la femme du père Mathieu, ne lui en voudrait pas. Elle l’avait à la bonne.
    
    Ce n’était pourtant pas de sa faute s’il préférait les mecs aux nanas. Depuis tout petit, il aimait ...
«1234...»