Jésus, Marie, Joseph ! (Les affres d'un calotin)
Datte: 07/03/2019,
Catégories:
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Auteur: Domi Dupon, Source: Revebebe
La Mercedes roulait beaucoup trop vite sur ce chemin de terre défoncé. Les eaux du fleuve tumultueux l’attiraient inexorablement. Plus que 100 m ! La délivrance au bout de la route. Au dernier moment, le conducteur freina, mais sans doute trop tard. La voiture allait faire le grand saut. Zigzaguant, dérapant, elle s’immobilisa à quelques centimètres de la rive (Ach ! La qualité allemande !).
— Jésus, Marie, Joseph, que m’arrive-t-il ? ainsi se lamenta Gabriel-Marie de Chancrecreux, les mains crispées sur le volant de son bolide. Comment en suis-je arrivé là ?
Comment en était-il arrivé là alors que rien dans sa vie ne le prédestinait à ce double effet kiss cool. Mais les voies du Seigneur (contrairement à celle de ma voisine) sont impénétrables et nous allons tenter de vous conter quels terribles enchaînements de faits divers et variés ont amené Gabriel-Marie à stopper sa BMW (comment ? C’était une Mercedes ! Mercedes, BMW, ce sont des allemandes, alors…) face au fleuve en se demandant s’il allait passer la première et en finir avec tous ses tourments ou la marche arrière et vivre ses envies coupables. (On est très traditionaliste chez les Chancrecreux, et une boîte automatique aurait été une hérésie.)
Remontons le temps. Gabriel-Marie de Chancrecreux est le dernier et, mais point l’ultime, rejeton d’une famille dont la particule remontait au bon roi François. Son aïeule née Guilherminette Gougnotte fut anoblie pour services rendus à Sa Majesté et reçut le titre ...
... honorifique de baronne de Chancrecreux. Honorifique, car aucune baronnie ne s’accrochait au titre. Selon de vieux grimoires précieusement conservés, Guilherminette, comme une bergère rendue célèbre par une ritournelle enfantine (peut-être en a-t-elle été l’inspiratrice) avait rencontré le grand roi (par la taille) au détour d’un chemin creux. Sa beauté et surtout son intelligence (ou le contraire) avaient séduit François. Il existe une version orale qui se murmure d’aîné à aîné, de génération à génération que Guilherminette, particulièrement bien dotée par la nature, avait un tempérament de feu, mais que son âge posait problème.
Afin de pouvoir l’introduire (et pas seulement) à la cour, il fallait lui trouver un mari. La madrée, seule aventurière que la famille n’eut jamais connue, osa refuser tous les prétendants que le Roi voulait lui imposer. Le souverain, craignant un scandale, décida de l’anoblir et de l’éloigner de la cour. À cette époque lointaine, une femme n’avait un titre qu’à travers son époux. Pour qu’elle puisse avoir ce titre en restant célibataire, le roi devait la tenir en haute estime ou ne voulait pas courir de risques. Un subterfuge fut trouvé. Anoblie, il l’exila en province dans une de ses résidences où il allait la visiter de temps à autre. Lorsqu’il l’eut engrossée, qu’elle fut femme, elle n’intéressa plus le souverain, mais il lui laissa la jouissance de la propriété et lui octroya une rente en écus d’or sonnants et trébuchants. Elle eut nombre ...