1. De l'importance de la couleur


    Datte: 21/02/2018, Catégories: frousses, médical, handicap, nonéro, mélo, portrait, Auteur: Nicolas, Source: Revebebe

    ... est restée dans le noir…
    
    Lorsque le jour se lève, filtrant autour des volets, elle est presque surprise de voir les rayons de lumière éclairer le ballet des grains de poussière. Dans un premier temps, elle ne bouge pas. Elle regarde le spectacle qui se déroule devant elle. Puis petit à petit, la nouvelle lui revient en mémoire. Il y a une semaine. Juste une semaine. Elle était à Clermont-Ferrand, au C.H.U. Face à elle, un médecin. Un Professeur de la fac de médecine voisine. Dans son bureau aux murs blanc bleuté. Juste un peu de bleu et beaucoup de blanc. Mais pour elle c’est gris pâle. Comme le ciel de Saint-Vincent juste après un de ces orages dont le mois d’août finissant a le secret. Le mobilier est gris, lui aussi. Fonctionnel. Pas beau, ni laid. Indifférent, insipide. Mais bon, les couleurs ne jurent pas, c’est déjà quelque chose.
    
    Le médecin est dans sa blouse blanche, ouverte sur une chemise foncée. Blanc et gris foncé pour elle, encore une fois. Il ne dit rien. Visage fermé il lit un document et regarde de temps en temps une radiographie en la tenant face à lui à bout de bras. Puis il revient à sa feuille de papier. Les nouvelles ne sont pas bonnes. Il ne sait pas par où commencer. À plusieurs reprises, il ouvre la bouche, va prononcer quelques mots, puis se ravise. En face, Aline a le regard fixé sur ces lèvres qui vont prononcer la sentence. Elle sait qu’il y a un problème, qu’il est probablement grave. Pour l’instant c’est encore vivable, enfin presque. ...
    ... Simplement elle ne perçoit plus les couleurs. Simplement. Tout pour elle est en dégradés de gris, en noir et en blanc. Au début, elle a cru à un coup de fatigue. Un médecin, un ophtalmo, un neurologue plus tard, elle sait que c’est plus grave. Il y a de fortes chances qu’elle perde la vue. Au mieux elle ne verra jamais plus la couleur de ses cheveux, ni celle des tournesols.
    
    Il a fini par parler. Sa voix parvient à Aline comme à travers du coton. Mais elle comprend quand même. Tumeur, nerf optique, évolution rapide, pas grand-chose à faire… Le verdict l’assomme. Anesthésiée, elle attend la fin du discours, puis se lève, dit au revoir et sort de la pièce.
    
    Avant de rentrer à Saint-Vincent, elle marche dans le centre de Clermont, vers la cathédrale. Dernière tentative pour se convaincre que tout va bien. Sous le soleil éclatant, la grande bâtisse construite en pierre de Volvic est grise. Plus ou moins sombre selon les ombres. Les maisons autour ont également la même couleur. Elle reconnaît bien ce tableau qu’elle a souvent regardé. Elle en a fait plusieurs toiles, données à des amis ou vendues lors de ses expositions. Si seulement tout pouvait être comme ça, que rien ne vienne lui rappeler sa maladie. Mais la ville est aussi cruelle que la campagne. Elle aussi a des couleurs. Aline lève les yeux vers les flèches de la cathédrale. Les tuiles romaines des toits voisins sont grises, le ciel est gris, rien n’est plus comme avant. Alors, submergée par une lourde vague de désespoir, ...
«1234...»