1. De l'importance de la couleur


    Datte: 21/02/2018, Catégories: frousses, médical, handicap, nonéro, mélo, portrait, Auteur: Nicolas, Source: Revebebe

    Rousse. Aline est rousse. Pas le rouge acajou des grandes vaches salers, ni le rouge des carottes. Non. Un rouge particulier, plus lumineux encore que le blond vénitien. Différent cependant du roux Irlandais. Sa somptueuse chevelure longue et bouclée descend et bat le creux de ses reins à chacun de ses pas. Et ça lui va bien. La trentaine épanouie, un corps de cariatide, de longues jambes découvertes par une légère robe d’été, elle remonte le chemin qui du fond du jardin mène à la maison.
    
    À sa gauche une grande pelouse, à sa droite les planches bien ordonnées du potager. Il a beau faire une chaleur écrasante en ce 15 août 2006 auvergnat, ce coin de la petite propriété est étonnement frais. Grâce à la couze Pavin qui coule en bordure du jardin quelques mètres plus bas. Aline en profite et flâne lentement, comme si rien ne l’obligeait à regagner la maison. Vue de celle-ci, elle participe à un tableau champêtre étonnant, le vert végétal qui l’entoure mettant en valeur sa chevelure colorée et sa carnation de porcelaine.
    
    La maison est une vieille maison bourgeoise, ancienne propriété d’un marchand de vin avant que le phylloxéra vienne détruire les vignes locales. Il y a bien sûr un perron d’une quinzaine de marches. La façade, abritée sous un grand toit rouge, cache les quelques outrages du temps derrière un épais rideau de lierre et de glycine entremêlés. Aux fenêtres blanches, les volets blancs eux aussi tranchent sur la végétation. Maternelle et protectrice, c’est la ...
    ... première impression qu’elle dégage. En fait c’est ce qu’elle est.
    
    Continuant son lent périple à travers le jardin, Aline revient vers la maison. Elle va regagner la pénombre fraîche du hall. Grimpant le perron, elle laisse sa main glisser sur la rampe en pierre de Volvic, la caresse, doucement, en éprouve chaque centimètre. Puis elle passe la grande porte de bois à double battant et se retrouve dans le hall. Déjà, la lumière est moins forte. Le grand portemanteau qui fait aussi office de porte-parapluie occupe la moitié du mur à droite, juste avant l’entrée du couloir. Aline ferme les yeux et pose sa main sur le meuble massif. S’aidant de ce contact elle avance dans le noir total. Elle se sent envahie par un froid intérieur qui la fait frissonner. Elle est dans le noir. Le noir, l’absence de couleur dans le spectre de la lumière. Le noir, la couleur qu’elle n’aime pas, celle dont elle ne se sert quasiment jamais dans ses peintures. Le noir que certains voudraient faire passer pour une couleur, alors qu’il ne représente pour elle que le néant. Le noir dont sont vêtues toutes les grand-mères du pays depuis qu’elles sont veuves, certaines depuis si longtemps. Le noir, la couleur de la mort.
    
    Elle frissonne à nouveau et ouvre les yeux. Ses deux mains remontent sur son visage et le massent doucement, surtout autour des yeux. Elle a un petit soupir énervé. Puis d’un coup elle se redresse, tourne les talons et, le dos au couloir, se dirige vers l’escalier qui monte dans les étages. ...
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