1. De l'importance de la couleur


    Datte: 21/02/2018, Catégories: frousses, médical, handicap, nonéro, mélo, portrait, Auteur: Nicolas, Source: Revebebe

    ... Au premier se trouvent les chambres et au second, son domaine. Son atelier et sa grande verrière tournée au midi où, même en hiver, le soleil ne manque jamais une occasion de venir se mirer.
    
    Aline est entrée dans son atelier. Face à elle, sur le grand chevalet, un cadre tendu de toile blanche semble l’attendre. Légèrement sur le coté, un peu derrière la toile, un énorme bouquet de tournesols et de glaïeuls trône dans une jarre en grès vernissé. Une de celles que l’on utilisait dans le temps pour y conserver le lard salé. Le ventre rebondi, les poignées latérales suffisamment larges pour être empoignées par les lourdes mains calleuses des hommes. Dame ! C’est qu’une fois plein, ça pèse son poids. La terre, dans les tons brique trop cuite, luit légèrement sous les rayons du soleil. Le col, lui, est gris. Un grisventre de souris, tendre et soyeux. Au pied de ce vase improvisé, son couvercle, posé contre lui, chatoie et reflète délicatement les couleurs du bouquet.
    
    C’est la seconde fois depuis ce matin qu’Aline revient dans son atelier et qu’elle contemple son modèle. Car elle va le peindre, ce bouquet. Enfin elle va essayer. Ce n’est pas si compliqué que ça quand même ! Rien que des couleurs chaudes. Le jaune un peu orangé des tournesols, le rouge sang, le blanc éclatant, le jaune soleil des glaïeuls qui se mêlent au vert du feuillage. Mais voilà, elle n’arrive pas à s’asseoir sur son tabouret. Comme ce matin, sa vue se brouille, et elle sent deux larmes couler sur ses ...
    ... joues. Et s’il n’y en avait que deux, ce ne serait rien : son visage s’inonde petit à petit, deux traînées humides descendent vers sa mâchoire, se rejoignent sous sa lèvre et finissent par tomber de son menton sur son décolleté. Un énorme sanglot lui secoue la poitrine. Elle fait demi-tour et reprend l’escalier vers le premier étage. De là, elle va directement dans sa chambre, claque la porte derrière elle et se jette sur son lit. Seule, encore plus seule qu’il y a quelques minutes devant son chevalet, elle s’abandonne à son désespoir et pleure à chaudes larmes, en gémissant comme une petite fille abandonnée. L’après-midi passe sans qu’elle ressorte de sa chambre. Elle s’est endormie, le chagrin a eu raison d’elle.
    
    Lorsqu’elle se réveille, la nuit est tombée. Elle se sent vidée, sans ressort, comme une de ces poupées de son que lui faisait sa grand-mère et qu’elle abandonnait dans le jardin au gré de ses jeux de petite fille. Le lendemain matin, elle les retrouvait au pied de son lit, assises sur le coffre à jouet, elle a mis longtemps à comprendre que Papinou, le grand-père, les ramassait en faisant un dernier tour dans le potager avant d’aller se coucher.
    
    Elle se lève, ouvre son lit, défait sa robe et la pend dans la grosse armoire face au lit, enlève ses sous-vêtements et se glisse entre les draps de lin immaculés, frais et un peu rêches. Elle tire celui du dessus sous son menton, remontant du même coup l’édredon de plumes. Elle n’a allumé aucune lumière. Le noir. Elle ...
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