1. Les sentinelles


    Datte: 21/02/2018, Auteur: HugoH, Source: Revebebe

    ... ?
    
    Des mouvements font vaciller les flammes des bougeoirs.
    
    — Quoi ? Qu’est-ce que tu as dit ? demande-t-elle.
    
    Mais il ne parle plus, la plaque avec force sur le sol, se contentant pendant un temps relativement long encore de se frayer un chemin en elle. Dans son ventre.
    
    — Quoi ? répète-t-elle. Putain, tu as dit quoi ?
    
    Mais l’homme s’est retiré. Et un autre, un nouveau a pris sa place. Il marque un temps d’arrêt. Mais ni les larmes ni la soudaine froideur de Christine ne l’arrêtent. Pas plus que son visage soudainement anxieux qui se reflète dans les miroirs comme autant de coups de reins.
    
    Il est quatre heures du matin lorsqu’elle retourne dans son cabinet. Met la radio. S’affale sur son divan. La pluie froide s’est remise à tomber. La lumière des tours disparaît dans des nuages d’humidité. Les ondes grésillent.
    
    Des émeutes quelque part en Amérique du Sud et en Afrique. Des problèmes alimentaires. Des populations qui meurent de faim.
    
    Elle passe une main sur ses cuisses humides et souillées. Une voix d’homme annonce des chiffres boursiers. Des indices et des clôtures. Des choses qu’elle ne comprend pas mais qu’elle devine régir son existence.
    
    Ce chaos, elle l’appréhende mieux en ces instants, vidée de sueur et d’énergie. Un réceptacle pur, déchargé de tensions. Elle est prête.
    
    Il y a eu un choc sismique au Pérou. Un nouveau gisement a été trouvé au large du Brésil. Le troisième plus important au monde. Des gens forent dans les profondeurs des ...
    ... océans. Les indices boursiers dégringolent.
    
    Elle a faim. Mais il n’y a plus rien à manger. Juste des restes de pizza froide. Ça fera l’affaire. Elle se déshabille. Avale quelques bouchées. Baisse la radio. Saisit son magnétophone. S’allonge sur le canapé froid. Déclenche la toucherec. Parle d’une voix blanche. Un long moment. Des mots secs. Une grande solitude.
    
    La pluie coule le long de la vitre. La nuit s’attarde. Elle aime cette sensation. S’enroule autour du magnétophone. J’ai peur. Christine secoue la tête, appuie surstop, rembobine. Ecoute encore et encore. Un frisson parcourt son dos. Vite. Électrique.
    
    C’est elle qui parle ? Vraiment ?
    
    À huit heures, elle se passe un peu d’eau sur le visage, revêt sa robe droite et noire, enfile ses chaussures plates, coiffe un long moment ses cheveux en arrière, se démaquille. Son visage pâle et fatigué ne sourit pas dans le reflet du miroir. Elle ramasse le magnéto. Remet les piles. Fait des essais. Un, deux. Un, deux. Docteur Christine.
    
    Rembobine.
    
    Ça marche encore.
    
    On sonne à l’interphone.
    
    — Oui ?
    — Monsieur A.
    — Montez.
    
    Elle se tourne vers la fenêtre. Observe la vie qui s’est mise en action. Des voitures. Des hommes et des femmes en marche. De l’électricité. La pluie continue de tomber. De temps à autre, d’épais nuages noirs se brisent sur les immeubles. On n’y voit pas grand-chose ce matin.
    
    Elle colle son front à la vitre. Ça sera bientôt l’été. Ça va bien finir par arriver.
    
    On sonne à la porte.
    
    Elle ...
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