La sellette de Tannhäuser - Histoires de Sexe

La sellette de Tannhäuser

... essayer de le soigner.

Déjà je farfouillai dans ma valise, et j’en sortis le kit de survie qui était à l’origine destiné à l’équipe de mon frère.

— Dites-lui que ça va le piquer un peu, et qu’ensuite il ne sentira plus rien. C’est normal.

Sans comprendre ce qui se passait, le prêtre traduisait au fur et à mesure que j’opérais. J’avais simplement injecté une petite dose d’un produit anesthésiant tout autour de la plaie puis, à l’aide d’un scalpel, j’avais ouvert les poches de pus qui giclaient à qui mieux mieux. Mon patient, si j’ose dire puisque je n’étais pas docteur, me regardait officier, ne comprenant pas davantage que le curé ce que j’étais en train de faire.

Par-dessus tout, ce qui lui semblait le plus surprenant était qu’il n’ait pas mal alors que je charcutais sa plaie…

J’en profitai, pendant que tout était anesthésié, pour retirer les petits morceaux de chair à demi putréfiée, et je terminai mon opération par un nettoyage en bonne et due forme de tout cela avec un désinfectant, puis je recouvris le tout avec un pansement. J’avais bien pensé à recoudre tout cela, mais j’avais peur d’avoir oublié quelques foyers d’infection. Une piqûre antitétanique plus tard, le gamin était debout.

— Surtout, il ne touche à rien et il revient me voir demain. Dites-lui que sa jambe va bientôt se réveiller, qu’il aura de nouveau mal, mais nettement moins qu’avant.

Puis, pour faire bonne mesure aux yeux de mon hôte, j’ajoutai :

— Avec l’aide de Dieu, il ...

... guérira.

Exactement comme il était venu, il repartit en claudiquant, promettant de revenir. Le prêtre était affolé.

— Qu’avez-vous fait ?
— Ben, vous avez vu, j’ai essayé de le soigner.
— Mais qu’est-ce que c’est que tout cela ? Je n’ai jamais vu des choses pareilles !

Il regardait fixement l’aiguille de la seringue avec laquelle j’avais anesthésié la plaie. Je décidai de me jeter à l’eau.

— Je ne sais pas ce que je fais là en ce moment, mais je ne suis pas d’ici et encore moins de cette époque.

Mes mots firent sur l’homme d’Église l’effet d’un coup de massue.

— Je ne peux pas vous expliquer, je n’y comprends rien moi-même.

Profitant de ce que la nuit commençait à tomber, j’en profitai pour dégager en touche.

— Pourriez-vous m’héberger pour cette nuit ? Je n’ai aucun endroit où aller…

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Deux jours s’étaient écoulés. Le gamin que j’avais soigné était revenu, et déjà il recommençait à cavaler avec ses copains, comme n’importe quel gosse de n’importe quel pays, et ce, à n’importe quelle époque. Ses parents, qui étaient persuadés qu’il allait mourir, étaient venus me voir pour me demander ce que j’avais fait.

— Je n’ai rien fait, c’est Dieu qui a guidé mes pas.

Pour le prix Nobel de l’hypocrisie, j’aurais sans doute eu droit à une nomination. Dans mon ancien métier, entre les guerres, les famines, les catastrophes naturelles et autres joyeusetés de l’existence, j’avais vu tellement de gens mourir dans des conditions terribles sans pouvoir ...