L'achat - Histoires de Sexe

L'achat

... bienséance et que je lui fasse plein d’enfants qui viendront vous disputer par la suite l’héritage familial ?
— Vous êtes désabusé, Père…
— Non, réaliste ! Le privilège des cheveux blancs, vois-tu, un mince réconfort quand on a perdu la vigueur de la jeunesse et en partie la santé. Rassure-toi, j’ai passé l’âge d’avoir des enfants. Miss Gladys aussi. Pas tout à fait, il est vrai, elle est encore jeune, mais je suppose qu’elle n’en veut pas. Ta regrettée mère nous a quittés depuis bien des années, hélas. Mais il me semble que j’ai largement dépassé la limite décente du deuil.

Sourire en coin, mon fils soupire :

— Vous êtes… un père impossible, vous le savez ?
— Avoue que tu préfères m’avoir moi comme père que d’avoir les pères de la plupart de tes connaissances et amis ! Songe un peu à Georges ou à Edgard, par exemple… Et ne parlons pas de ton grand ami Henry qui est marié à la pire virago que je connaisse !

Oliver soupire, il sait que ses amis sont étroitement surveillés par leurs familles, car étant de beaux partis, il ne conviendrait pas de galvauder leurs valeurs marchandes et ruiner de fructueuses alliances… Quant à Henry, il est de loin le plus à plaindre, son acariâtre femme ne le quittant pas d’un seul pouce, il n’a même pas le luxe de s’offrir une maîtresse pour se changer les idées !

— C’est vrai qu’ils ne sont aidés…
— Je ne te le fais pas dire, donc ne te plains pas, Oliver… Je ne pense pas avoir été ou être un père très contraignant, il me ...

... semble.
— Je vous l’accorde sans problème, Père.
— Très bien. Soyons clair, j’ai offert bien des années à la Couronne et à ma famille. J’estime que j’ai largement le droit de profiter de mes dernières années à ma guise. De plus, contrairement à certains, je ne dilapide pas ma fortune ni ne crée de scandales sordides.
— Eh bien… enfin… on jase quand même…

Fronçant des sourcils, je m’approche :

— On jase ? Qu’ils jasent, s’ils n’ont que ça à faire ! Mais nettement moins que sur certains qui entretiennent trente-six maîtresses et qui passent leurs nuits en beuverie dans les bordels plus ou moins huppés. Je me trompe ? Sans parler de ceux qui trouvent leurs amusements dans les bras d’autres hommes virils.
— C’est vrai que vous êtes plus… réservé, discret… Mais on jase quand même…
— Même si je me retirais dans le monastère le plus austère et le plus éloigné qu’il soit, on jaserait quand même. Dis-moi que j’ai tort !

Mon fils ne répond rien. Je poursuis :

— Quant à toi, Oliver, pose-toi la question si on ne jase pas, comme tu dis, sur le fait que tu entretiennes une danseuse. Car si moi, je le sais, d’autres aussi le savent. Et Eugenia, ta chère femme pourrait bien finir par le savoir ! Ne t’inquiète pas, ce n’est certainement pas moi qui irai le lui dire ! Je suis partisan de la paix dans le ménage. Je sais très bien ce qu’est un mariage de convenance, même si toi, tu as quand même pu choisir la mère de tes enfants.
— Il y a les raisons du cœur et ceux du corps, Père…
— ...