1. Où sont passés les poivrons jaunes ?


    Datte: 13/02/2018, Catégories: caférestau, nonéro, amiamour, consoler, Auteur: Lilas, Source: Revebebe

    ... défaire de ses mots, de son étreinte, pas moyen d’enrayer le cours dangereux que prenaient mes pensées.
    
    Mon mari, Antoine, rentra de son déplacement, et fut bien étonné de découvrir ce zombie au lieu de sa femme. J’ai eu envie de lui en parler, mille fois. Mais aucun mot n’a franchi le seuil de mes lèvres. Fabrice avait scellé notre amitié dans ces mots, ce baiser, et désormais ma bouche, marquée au fer rouge, était également scellée de ses aveux.
    
    Mon esprit, au contraire, battait la campagne, comme je l’ai déjà dit. Je m’imaginais tout un tas de conversations. Je m’imaginais être obligée de coucher avec lui pour qu’il réalise à quel point son fantasme était aberrant. Je m’imaginais lui écrire des lettres, désolantes à tous points de vue. Je m’imaginais le kidnapper puis l’enfermer dans la cave de l’immeuble jusqu’à ce qu’il crache tout ce qu’il avait sur le cœur, pour qu’il finisse par admettre que la folie s’était emparée de lui.
    
    Lors de mes fiévreuses insomnies, j’eus donc cette révélation : Fabrice était tombé sur la tête. Mais oui, tout s’expliquait ! Il était devenu complètement cinglé ! Un démon était venu lui murmurer des élucubrations à l’oreille pendant son sommeil, et l’avait infecté de ce poison nommé désir.
    
    — Allô ?
    — Fab, c’est moi… ai-je chuchoté.
    — Oui, je sais bien ! Tu as vu l’heure ? Il est arrivé quelque chose aux enfants ?
    — Non, non, tout va bien, ils dorment. Je te réveille ?
    — Non, j’allais me coucher, on rentre de soirée… Géraldine ...
    ... est dans la salle de bain. Pourquoi t’appelles ?
    — Je sais pourquoi tu as envie de m’embrasser !
    — Avais.
    — … C’est parce que quelque chose de mauvais, un démon sans doute, est venu te posséder… Hé ! Qu’est-ce que tu as dit ?
    — J’ai dit « avais ».
    — Avais ?
    — Oui.J’avais envie de t’embrasser.
    — Oh…
    
    J’ai dégluti.
    
    — Tu veux dire que… ça y est, c’est parti ?
    — Oui.
    — Depuis… euh… quand ?
    — Depuis cette nuit où je l’ai fait.
    — Mais… mais pourquoi est-ce que tu ne m’as rien dit ? Ça fait une semaine que cette histoire me tourne les sangs !
    — Tu n’avais qu’à me le demander.
    — Fabrice ! Je t’ai laissé une dizaine de messages ! Tu n’as répondu à aucun !
    — Oui, je sais bien mais… je n’avais pas envie de te parler. Pas envie d’en parler, surtout.
    — Pourquoi n’avais-tu pas envie d’en parler, si ce malheureux incident est clos ? Dans quel état crois-tu que j’étais, quand tu m’as larguée dans la rue ? Et puis pas de nouvelles pendant huit jours, bordel, tu es complètement irresponsable ou quoi ?
    — Je suis désolé, Hélène… Je ne pensais pas que ça t’avait autant remuée.
    
    Là, je suis restée coite. Un long moment. Dehors, un orage se déchaînait, on aurait dit que la ligne crépitait pendant qu’une soixantaine d’interminables secondes s’enchaînaient comme des perles sur un fil.
    
    — Bon, on peut se voir ? ai-je enfin dit, d’une voix rocailleuse que je ne me connaissais guère. (L’émotion.)
    
    Fabrice a soupiré. Un long soupir :
    
    — Oui… si tu veux. Antoine est rentré de ...
«12...678...18»