Frites, nuggets, sauce sanguine - Histoires de Sexe

Frites, nuggets, sauce sanguine

... part de mon cœur désire encore y croire. C’est tout ce qu’il me reste. Sans ça, je ne suis plus qu’une coquille vide.

Je la comprenais mieux, désormais. Sa froideur au boulot, son indifférence.

— Sonia était un petit bout de femme extraordinaire. Libre. Libre comme l’air. Sans attaches. Des fois, je me dis qu’elle s’est enfuie loin d’ici. Qu’elle vit quelque part, libre, dans les montagnes, dans un canyon. C’est-ce que je me dis, pour tenir le coup.

Je m’avançai jusqu’à elle et lui déposai une main sur l’épaule. C’était peu, mais tout ce que je pouvais faire pour elle.

— Il faut que je m’en aille, dis-je finalement.

Mais, avant que je n’en prenne conscience, les mots franchirent la barrière de mes lèvres sans que je ne puisse les arrêter.

— J’ai perdu mon frère, il y a quelques années. Mon grand frère. Il s’était toujours occupé de moi. À la mort de nos parents, il nous a trouvé l’appartement, et il m’a trouvé ce travail. Il s’est occupé de tout. Lui, il réparait des robots de fonction, un travail banal et harassant. Il n’avait jamais fait de grandes études. Il s’est sacrifié pour moi.

Ma voix tremblait et plus les mots sortaient, plus ils me comprimaient le cœur.

— Il est mort au travail. C’est un de ces petits robots de RelationCorp qui a explosé dans ses mains. Cela l’a tué sur le coup. Et c’est exactement le même modèle de robot qui est venu m’annoncer la nouvelle.

Elle se tourna vers moi, lentement, et planta ses yeux dans les miens.

Je ...

... portai ma main à son visage, comme pour le caresser, mais suspendis mon geste.

On venait de frapper à sa porte.

Je sursautai et attrapai ma collègue par le bras.

— Farida, écoute, j’ai pas le temps de t’expliquer, mais, n’ouvre pas. On vient pour moi. Cela doit être Max. Il est infecté.
— Quoi ? Mais de quoi parles-tu ?
— C’est trop long, j’ai pas le temps. Mais il faut que tu me croies. Au McDonald, il y a quelque chose, je crois qu’on peut dire que c’est des parasites, des espèces de limaces qu’ils ont dans le cerveau. Je sais que ça peut paraître dingue, mais crois-moi. On est en danger. Il faut qu’on parte d’ici.

Je me faisais l’effet d’un dingue, à m’entendre parler. Elle me regardait avec de grands yeux suspicieux, mais dénués de peur.

Les coups à la porte retentirent de nouveau.

— Farida, fais-moi confiance !

Elle me prit la main et m’entraîna vers les fenêtres du salon.

— D’accord. On va passer par là.

J’eus du mal à réaliser qu’elle me croyait. Pas le temps de réfléchir.

La porte de son appartement vola soudain en éclat. Le bruit fut assourdissant : impossible que cela eut été fait à mains nues. Ça voulait donc dire qu’ils avaient des armes.

Farida appuya sur le bouton d’ouverture automatique de la fenêtre, qui coulissa rapidement avec un petit bruit discret. Le vent vint nous embrasser le visage. Les soleils de synthèse illuminaient les bâtiments d’une couleur jaune vive ; et la brise artificielle donnait un aperçu du climat d’antan, ...