1. Frites, nuggets, sauce sanguine


    Datte: 01/12/2018, Catégories: nonéro, sf, aventure, Auteur: Dr Lamb, Source: Revebebe

    ... épaules.
    
    — Je resterai debout.
    — Alors, comment avez-vous atterri ici ?
    — Je…
    
    Elle versa le thé brûlant dans les tasses et m’en tendis une.
    
    — Merci.
    
    De fait, j’avais un mauvais goût dans la bouche.
    
    — Je… J’ai vécu une histoire de folie, finis-je par dire en essayant de choisir mes mots. Avec Max, on…
    — Max, votre collègue ?
    — Oui. Il a eu… Il m’a entraîné au McDo du centre.
    — Oh…
    
    Elle but une gorgée de thé. J’étais gêné de poursuivre mon récit. Farida me plaisait, et ce, depuis des mois et des mois. Au boulot, elle était inaccessible, froide, telle une muraille infranchissable. Là, je me trouvai chez elle, dans son intimité, une chose qui m’aurait paru impossible un jour auparavant. Je n’arrivais pas à réaliser que j’avais quitté le boulot quelques heures auparavant. Tout cela s’était passé aujourd’hui, à quelques heures seulement ! C’était dingue. J’avais l’impression que mille ans s’étaient écoulés depuis mon départ du travail. Je ne savais même pas quelle heure il était. Avec les soleils de synthèse, la nuit ne tombait plus.
    
    Je ne voulais pas que Farida me voie comme un mec qui va s’envoyer en l’air après le boulot. Ce n’était pas moi, ça. Qu’est-ce qui avait bien pu me pousser à suivre Max ? Je n’en savais rien. Peut-être que quelque part, c’était écrit. Peut-être que quelque part, c’était un bien pour un mal. Sinon, je n’aurais jamais su ce qui se passait là-bas.
    
    Je faillis soudain m’étrangler en buvant une gorgée de thé. Et si Farida était ...
    ... infectée, elle aussi ? Cela me semblait peu probable, étant donné mes visions, mais…
    
    Je m’étais précipité chez elle à l’aveuglette.
    
    Je terminai mon thé, me brûlant la langue au passage, et déposai la tasse.
    
    — Il vaut mieux que je parte. Je ne veux pas vous impliquer là-dedans.
    
    Elle me regarda avec de grands yeux. Ses beaux yeux noirs, et je lus en eux une profonde tristesse. Elle me désigna quelque chose d’un mouvement de tête. Je me tournai et vis alors, au mur, une sorte de poster. Il représentait un sauteur en parachute, qui tombait à pic en traversant le ciel, surplombant des falaises. C’était le seul élément décoratif du salon.
    
    — Cela me fait penser à ma sœur, dit Farida d’une voix douce.
    — Ta sœur ? demandai-je en décidant de la tutoyer, fatigué de la distance professionnelle.
    — Oui. Elle a disparu il y a deux ans. Elle s’est volatilisée.
    — Tu ne l’as jamais retrouvée ? l’interrogeai-je en me sentant stupide.
    — Non. Jamais.
    — Et vos parents, ils…
    — Sont morts. Sonia était la seule famille qui me restait.
    
    Elle ne pleurait pas, ne tremblait pas. Elle parlait d’une voix égale et ne semblait nullement bouleversée. Je compris alors qu’elle avait déjà subi toute la tristesse et la douleur qu’un être humain peut endurer, et qu’elle n’avait plus la force de les porter en elle.
    
    — Je suis désolé, dis-je.
    
    Elle ne répliqua pas et se posta à la fenêtre.
    
    — Au fond de moi, je sais qu’il n’y a plus d’espoir de la retrouver vivante. Mais une infime petite ...
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