1. Les épis de blé / Rêve ferroviaire


    Datte: 01/12/2018, Catégories: fh, train, cérébral, revede, poésie, Auteur: Louise Gabriel, Source: Revebebe

    ... temps, de granit pour la solidité de l’amitié, et de tout le reste, le ciment du geste porté, la magie, l’indécence, la joyeuse indécence, l’oubli dans la gestuelle amoureuse, celle qui dit mieux autrement ce qui ne sait être tu…
    
    Pourquoi prêter tous ces pouvoirs, autant d’emprise à la futilité, à la nudité, à l’innocence finalement, de cet envoûtement suave, cette évidence tactile qui, même lorsqu’elle n’est présente, peut me faire voyager des heures au cœur du moutonnement nuageux de ce milieu d’après-midi ? Je peux noircir des pages sans que jamais cela ne s’arrête. Ma seule obligation est la solitude absolue, je me dois d’être seule sinon la magie s’évanouit, je ne puis plus voguer comme bon me semble, ou alors il me faut la foule, l’anonymat, n’être personne, me volatiliser dans la multitude, me noyer, et je suis partout, ailleurs, comme je le veux.
    
    Et tu es ici et là, lutin un rien joueur, à jouer à cache-cache, à violenter mes nerfs sans le savoir. Je t’attrape, et te voilà déjà parti ailleurs, une vraie anguille, glissante, trop glissante à mon goût. Mais j’ai l’habitude de l’effort, je ne m’avoue jamais vaincue. Ah ça, non !
    
    Et puis, ta peau glissante comme de la soie m’inspire tant et tant… Je prends plaisir à la laisser s’évader de moi, pour m’en saisir de nouveau, sentir une fois encore la surprise, les picotements de ce velours si particulier, qui aiguise mes sens des plus éveillés. Je me repasse en boucle cette sensation au point d’avoir le corps en ...
    ... émoi, cela s’infiltre dans ma chair, et je dois avoir un sourire un peu bizarre, des mouvements un peu étranges… Le jeune homme en face de moi me regarde avec la plus grande attention. Serait-ce le train sur ses rails qui n’avance plus tout à fait aussi droit, ou alors suis-je habitée par une bestiole qui me donne le rose aux joues ?
    
    Eh bien, la petite bête, c’est toi, et tu me fais rosir plus que de convenable. Et je plante mon regard dans le sien, qu’il saisisse, qu’il sente ce qui ondule au fond de moi, le désir d’appartenir, le désir de se laisser fuir dans de coulantes perceptions.
    
    Parce que je suis liquide, fluide, souple, je suis liane qui ploie avec aisance, je suis béance dévorante, je suis prédatrice, le calice de mes saveurs débordant d’un nectar narcotique qui veut être bu jusqu’à la lie.
    
    J’exige d’un œil suppliant, mais comprendra-t-il enfin ce que je veux de lui, sans aucune parole, sans aucun son qui tuent mon rêve, sinon ?
    
    Il me faut la prédation du bout des yeux, la compréhension évidente sans l’esquisse du moindre geste, l’évidente séduction, celle qui ne laisse de place à rien d’autre, qui meuble tout le corps, de la racine des cheveux à la pointe des pieds.
    
    Mon désir remplit tout l’espace du wagon, il est tentacule et instant suave en cette fraction de seconde où il chavire. Il me touche la main du bout des doigts, il a enfin compris : rien à perdre, tout à gagner, une efficace manière de faire passer le temps à la vitesse de l’éclair. Les ...