1. Monde merveilleux


    Datte: 12/02/2018, Catégories: conte, Auteur: Calpurnia, Source: Revebebe

    ... plastique. Tout cela nous serait parfaitement inutile. Si vous ne me croyez pas, touchez, n’ayez pas peur. Vous ne me ferez pas mal.
    
    Bien qu’effrayée, Barbara se décide en premier à glisser ses doigts dans la large blessure du dos de l’inconnue. Effectivement, l’intérieur est creux. La petite main entre en entier, puis ressort. Kenji et Christèle font la même constatation et sont eux aussi éberlués.
    
    — Toi et moi sommes des poupées Barbie, reprend la fille sans bras. Une enfant de cinq ans, prénommée Émilie, joue en ce moment avec nous pendant que ses parents sont occupés à s’aimer dans la chambre voisine. Quand elle va à l’école, dort ou mange – bref, qu’elle n’a pas le temps de s’amuser – nous dormons. Notre royaume est sa chambre, notre ciel son plafond blanc et notre soleil une ampoule – à l’exception du jour d’été où elle m’a emmenée à la plage. Nos désirs sont les siens, nos joies également. Nous n’avons d’âme qu’à travers la sienne. Un jour, il y a de cela un temps que j’ignore, pour rire, avec insouciance elle m’a arraché les bras et mordu de toute la force de ses dents de lait, m’a jetée dans un coin de son royaume et m’a oubliée. Pourtant, elle était si heureuse de me recevoir en cadeau pour ses quatre ans ! Vous auriez vu briller ses yeux quand elle a défait son paquet ! Ensuite, puisque je vous vois, j’en déduis que vous m’avez remplacée dans ses jeux. Je ne sais pas pourquoi Émilie a fait cela. L’attrait de la nouveauté, sans doute. Au début, je l’ai vécu ...
    ... comme un abandon, et j’en ai beaucoup souffert. Je ne lui en veux plus parce qu’elle est l’innocence même.
    
    « Vous ne vous êtes jamais demandé ce qu’il y a derrière la fenêtre ? Il s’y trouve un jardin, un vrai, avec d’authentiques fleurs vivantes, pas en plastique comme ici. Parfois, quand il fait beau, elle en cueille des brassées qu’elle offre aussitôt à sa maman. Des pâquerettes aux pétales blancs comme le givre des matins d’hiver, des coquelicots rouges comme du sang, des pissenlits charnus et jaunes comme de petits soleils d’été, des trèfles mauves comme un crépuscule. À peine écloses, émergeant des profondeurs du printemps, découvrant émerveillées la chaleur du jour, ne demandant qu’à vivre et ensemencer la terre, elles sont soudain fauchées par des petites mains folâtres qui sont tellement douces qu’on ne les sent pas sur nous lorsqu’elle nous manipule. La mort agit toujours ainsi pour surprendre et cueillir les vivants. Oui, vraiment, elle est l’innocence dont abonde le monde véritable. C’est bien cela dont vous cherchiez la clé ? Dans mon long sommeil, je n’ai cessé d’entendre vos interrogations.
    
    « La chatte Kitty, qui est en peluche mais sait beaucoup de choses, m’a tout expliqué en me parlant à l’oreille. Je l’écoutais du fond de mes rêves, et j’ai compris tout ce qu’elle me disait. J’ai beaucoup pleuré, mais finalement, réflexion faite, je suis apaisée maintenant. Il m’a fallu beaucoup de temps pour méditer tout cela. C’est pour cela que je suis recouverte de ...