1. Monde merveilleux


    Datte: 12/02/2018, Catégories: conte, Auteur: Calpurnia, Source: Revebebe

    ... soit déçue.
    
    L’après-midi, une fois la table desservie, ils se promènent au jardin qui encercle le château. Initialement vide, la pelouse s’est instantanément couverte de fleurs multicolores dès que Barbara l’a voulu. Il lui a suffi de le désirer, sans même prononcer un seul mot, et un déluge floral tombant magiquement du ciel s’est déversé sur le domaine en une manne odorante. Princesse ou sujet, chacun se contente d’accueillir le miracle, celui-là comme tous les autres.
    
    — Il paraît que le monde est méchant, avance-t-elle alors qu’ils marchent côte à côte en humant les parfums épanchés. Des hommes sont cupides et violents ; ils se font la guerre et se tuent, d’autres manquent de nourriture ou sont obligés, pour pouvoir manger, de travailler jusqu’à l’épuisement. Même des enfants sont touchés. C’est vrai, tu crois ?
    — Effectivement, je l’ai entendu à la radio. Mais nous, rien ne peut nous atteindre, car notre monde est protégé. Sous ton règne, personne n’a jamais manqué de rien.
    — Quelquefois j’entends des bruits bizarres, comme si un homme faisait du mal à une femme. Je les entends : elle crie, et puis plus rien, le silence. Après, elle n’a pas l’air malheureux, au contraire : elle chantonne, et ses yeux sont tout brillants de joie. Je me demande ce qu’il lui fait à ce moment-là.
    — Le monde qui nous entoure est rempli d’épais mystères… Pourquoi donc chercher à comprendre ? Ne sommes-nous pas heureux ici ?
    — Kenji, depuis combien de temps sommes-nous ensemble ? Il ...
    ... me semble que nous nous connaissons depuis toujours.
    — Je crois être arrivé ici il y a un an. Autant dire l’éternité. C’était un peu avant ton amie à la peau noire, comment s’appelle-t-elle, déjà ?
    — Christèle.
    — Ah oui.
    — Tu la trouves jolie ?
    — Bien sûr. Ici, la laideur n’existe pas. Voyons, Barbara, que vas-tu imaginer ! Je ne vais pas te quitter pour elle : tu resteras éternellement l’amour de ma vie ! Pourquoi tu te tourmentes sans arrêt avec des idées tristes alors que notre monde est si joli, si parfumé, si rose ?
    
    Comme à son habitude, il lui prend tendrement la main droite qu’il porte jusqu’à son cœur. La chatte Kitty, au pelage doux et tiède, vient se frotter contre sa maîtresse. Elle est immense, plus grande que les humains, mais dépourvue de griffes.
    
    — Es-tu heureuse, Barbara ?
    — Sincèrement, je pense que oui. Cependant, parfois, je m’ennuie un peu dans ce royaume où il ne se produit jamais rien de triste, ni même de désagréable. Je serais bien curieuse de savoir à quoi ressemblent la souffrance et la mort dont le monde extérieur est rempli. Nous n’en percevons ici que des bribes incompréhensibles, des échos lointains, étouffés par les murs de mon palais.
    — Pourtant, il paraît que celles et ceux qui en sont touchés en parlent comme quelque chose d’affreux qu’il faut absolument éviter.
    — Je sais… mais ma vie est si fade ! Si mièvre ! Si vide d’émotions véritables !
    — Avons-nous été un jour des enfants ? Je ne me souviens pas de l’avoir été. Je crois ...
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