Monde merveilleux
Datte: 12/02/2018,
Catégories:
conte,
Auteur: Calpurnia, Source: Revebebe
... même que j’ai toujours été celui que je suis aujourd’hui. Cela signifie-t-il que nous ne vieillirons jamais ? Peut-être même sommes-nous immortels et que notre Éden est une forteresse imprenable sur laquelle le temps n’a pas de prise ?
— C’est possible… je n’en sais rien, et mon esprit s’embrouille à force de spéculations.
Christèle, qui passait par là, vient se joindre à la promenade du couple. Les deux amoureux lui expliquent la teneur de leur conversation afin de recueillir l’avis de leur amie.
— Crois-tu qu’il existe quelque chose de triste dans mon royaume ? lui demande Barbara.
— Oui, je connais un endroit où cela existe. Il se trouve que je l’ai découvert par hasard, en allant cueillir des champignons. Voulez-vous que je vous montre cela ?
— Oh oui, fantastique ! s’exclame Barbara. Tu viens, Kenji ?
Celui-ci est nettement moins enthousiaste car il se méfie de ce qu’il ne connaît pas. Il accepte cependant, à contrecœur, pour plaire à sa compagne et ne pas apparaître comme un garçon timoré.
Pour aller plus vite, le trio monte dans la voiture décapotable. Ce n’est pas très loin, mais il faut se diriger vers une zone incertaine où l’ombre défie la lumière, un endroit que l’on évite, où l’on craint de répugnantes bestioles qui se déplacent vite et sans bruit, araignées aux pattes fines et longues, voire parfois un inquiétant perce-oreille. Il en faut plus pour vaincre l’excitation de la jeune princesse.
— C’est là, dit Christèle. Quand je l’ai découverte, ...
... il y a quelques jours, je n’ai pas osé t’en parler.
Dans la pénombre, le couple d’amants distingue difficilement le corps à moitié dénudé d’une fille allongée sur le ventre. Une profonde entaille perfore son dos, et elle n’a plus de bras. L’un des membres arrachés traîne à peu de distance. Barbara s’approche en frissonnant, attirée comme un papillon vers une flamme. La peau de la victime est recouverte d’une épaisse couche de poussière que la princesse recueille à l’extrémité de son index.
— Elle doit se trouver là depuis des mois, murmure-t-elle, le cœur au bord des lèvres. Peut-être même des années. Ainsi donc le mal est venu jusqu’ici ! Qui a bien pu lui faire subir cela ? D’ailleurs, comment se fait-il qu’il n’y ait pas de sang ? Pas une goutte, même séché !
Quitte à brouiller la scène du crime, elle veut découvrir la face de celle qui gît, retourne le corps avec précautions et pousse un grand cri d’horreur, accompagnée de ses deux amis. Elle a vu son propre visage : exactement les mêmes traits que ceux que montre son miroir, la même chevelure blonde, les mêmes yeux bleus grand ouverts sur le ciel blanc.
Soudain, celle que l’on croyait morte s’anime. Elle se relève sans difficulté, malgré la mutilation de ses membres supérieurs, et sourit comme si elle s’éveillait d’un long et paisible sommeil.
— Tu te demandais pourquoi je ne saigne pas, dit-elle ? C’est simple : je n’ai pas de sang, tout comme toi et tes deux amis. Pas de viscères non plus sous ma peau de ...