1. Venezia


    Datte: 27/11/2018, Catégories: fh, hplusag, complexe, voyage, intermast, facial, Oral amourdura, amourpass, Auteur: Denis Raud, Source: Revebebe

    ... l’image qui s’était formée dans mon esprit à la seule évocation de l’expression « Universitaire Française ». Je m’étais imaginé une vielle dame décatie sentant un peu le pipi de chat et je découvre un corps qui laisse deviner une beauté fatale. Mais c’est le choc lorsqu’elle se retourne en m’entendant arriver : ce corps admirable est surmonté d’un visage laid, plus précisément qui met mal à l’aise.
    
    Je cache mon trouble en lui tendant vivement ma main et en prononçant presque un peu trop fort : « Denis, photographe ». Pendant qu’elle me serre la main, je détaille ce qui fait la laideur de ce visage : une grosse cicatrice en biais qui part de la droite du menton, déforme les lèvres et remonte jusqu’au coin de l’œil gauche. Un gros nez busqué et une absence de pommettes finissent de rendre ce visage disgracieux. Par contre, le visage est étroit avec de beaux yeux vifs bien que non maquillés.
    
    Le sentiment qui m’assaille de prime abord est une grande tristesse pour cette fille qui doit souffrir de constater qu’on a envie de se détourner d’elle. Pour ne pas la dévisager plus longtemps, je me sers mon petit-déjeuner. La Signora Foscarini, qui parle un Français correct me dit :
    
    — Denis, mademoiselle Cécile ne commence ses travaux que demain et elle ne connaît pas Venise. Pourriez-vous l’aider à comprendre comment s’orienter dans la ville ?
    — Bien sûr, j’aime beaucoup faire découvrir Venise aux personnes qui n’y sont jamais venues. Surtout, pour éviter les poncifs.
    
    Et ...
    ... m’adressant à Cécile :
    
    — Vos travaux concernent quoi à Venise ?
    — La Scuola San Roco.
    — Vous n’avez pas de chance, elle vient de fermer pour trois semaines. Une rénovation du chauffage et de la clim, je crois.
    — C’est pour cela que je suis là. Pendant ces travaux, ils ont autorisé dix chercheurs de dix pays différents à travailler tranquillement sans être dérangés par les visiteurs.
    — C’est exceptionnel, vos travaux doivent être importants pour eux.
    — Je prépare un doctorat en histoire de l’art consacré au Tintoret.
    — Sans être jamais venue à Venise ? dis-je d’un ton un peu narquois.
    
    Probablement contrariée, elle me rétorque :
    
    — Vous savez, il y a beaucoup de documentation dans les livres.
    — Mais pas l’émotion que procure une œuvre originale dans son contexte.
    — Tout le monde n’a pas les moyens de passer sa vie à Venise.
    
    Il est évident que le Signora Foscarini lui a parlé de mon emploi du temps et que je l’ai vexée. Je tente de me rattraper :
    
    — Je me ferais un plaisir de vous faire découvrir la magie de Venise, bien que ce soit quasiment impossible en une seule journée. Je tiens à me faire pardonner de vous avoir vexée.
    — Je ne suis pas vexée mais ni moi ni mon université n’ont eu les moyens de financer de séjour ici. Cela me contrarie suffisamment pour qu’on ne me le fasse pas remarquer désobligeamment.
    
    M’adressant à la Signora Foscarini qui n’a rien perdu de notre échange :
    
    — La demoiselle a du caractère. Le Tintoret aurait adoré.
    
    Au cours du ...
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