Erotisme et cinéma (2) : « Nymphomaniac », de Lars Von Trier (2013)
Datte: 24/11/2018,
Catégories:
Dans la zone rouge,
Auteur: Olga T, Source: Hds
... c’est surtout la duplicité progressive de Joe qui sidère en raison du choix de deux actrices aux physiques très divergents. Perversité en marche contre obscénité en action, telle est la duplicité qui régit les deux volumes : là où le volume 1 filme la sexualité comme un absolu à atteindre pour contrer la souffrance qui s’installe chez l’humain, le volume 2 ose le virage à 180° en faisant de la sexualité un outil de pouvoir et de destruction, censé révéler la souffrance qui s’insinue chez tout un chacun et ainsi briser les faux-semblants sociaux.
Tout est déjà posé dès le premier chapitre, narrant l’initiation de Joe à la nymphomanie au travers d’une similarité entre la drague et la pêche. Joe se voit alors assimilée à une « nymphe » (le terme évoque l’un des premiers stades de la vie d’un insecte), désireuse de perdre sa virginité, allant jusqu’à servir d’appât lors d’une compétition sexuelle lancée par une amie lors d’un voyage en train – celle qui baisera le plus grand nombre d’inconnus gagnera un sachet de chocolats.
Joe est-elle une amazone féministe cherchant à se venger par la nymphomanie de l’hypocrisie dominante du sexe fort, ou juste une figure féminine qui assume son désir obscène et se sert des autres comme des mouchoirs usagés ? Traiter le film de féministe ou de misogyne est un contre-sens.
La nymphe est encore en chantier dans la vie, même si elle a dépassé la quarantaine et Séligman se révèle être asexuel, alors qu’il a déjà dépassé la soixantaine…). ...
... Les personnages de tous les films de Von Trier sont assez faciles à définir : il y a toujours chez eux le désir d’exorciser ce qui les obsède ou ce qui les bloque dans leur bien-être, pour guetter une issue rassurante qui se révèlera être une impasse fatale. Nymph()maniac va cependant plus loin, en particulier lorsque Joe tente de réfréner ses pulsions et de reprendre le contrôle de son corps.
Ce film est extrême. Joe s’incarne pour de bon en créature désespérée, naviguant d’un extrême à l’autre. On l’aura vue subir une défloration brutale, s’insurger contre une société obsédée par l’amour élaborer un mépris de la gent masculine, finir par atteindre l’harmonie sexuelle avant de la perdre aussitôt, renouer avec un corps qui aura lâché prise avec l’esprit, considérer les tabous comme dommageables pour l’être humain, éviter la négation de soi pour assumer pleinement sa nymphomanie, retourner sa culpabilité à son avantage en faisant de la déviance un gage de pouvoir, initier une jeune fille (Mia Goth) à son travail criminel, et finir tabassée dans une ruelle à la suite d’un acte désespéré.
Plus sombre, plus violent, plus viscéral aussi, le second volet montre le vrai visage d’un cinéaste mu par un nihilisme absolu qui s’applique depuis des années à nous faire éprouver au plus profond de notre for intérieur les expériences limites et pathétiques de ses personnages.
Von Trier a eu l’intelligence de garder la forme du conte pour présenter son propos, effectuant par là-même ...