1. Erotisme et cinéma (2) : « Nymphomaniac », de Lars Von Trier (2013)


    Datte: 24/11/2018, Catégories: Dans la zone rouge, Auteur: Olga T, Source: Hds

    ... l’occurrence, tous les passagers du train ont effectivement goûté aux faveurs de la belle Joe.
    
    Ma propre expérience me fait penser que l’hypersexualité, et sa dérive ultime, la nymphomanie ont un rapport avec le complexe d’Electre. Le rapport entre Joe et son père est d’une nature particulière. Tous les deux entretiennent une relation de quasi-vénération mutuelle. C’est un peu comme si Joe cherchait à retrouver chez un homme, n’importe quel homme, le sentiment de valorisation que son père lui procurait étant enfant. Cette émotion est restée gravée en elle. Elle en a besoin de manière compulsive.
    
    Je retrouve aussi, comme Joe, le besoin d’en parler. Elle le fait en racontant sa vie à Seligman, je le fais dans mes récits autobiographiques.
    
    Il est important pour elle d’assumer sa nature et les souffrances qui vont avec. Joe fait l’effort de parler de sa vie avec un inconnu. Ce n’est pas forcément évident. À présent, elle ouvre des chapitres de sa vie qui sont pénibles, le cœur ouvert, la sensibilité à fleur de peau, s’entretenant de sa relation malsaine avec les hommes… à un homme.
    
    Seligman trompe pourtant la confiance de Joe car il finit par juger, comme les autres. Il fait mine d’écouter, enchaine des références savantes sans que personne ne le lui demande. Le vieux garçon se cache derrière sa condition. Le vieux pervers joue les faibles pour attendrir sa proie mais lui réserve le même traitement que les autres. Seligman pourrait incarner une figure paternelle dont ...
    ... on sait qu’elle compte énormément pour Joe. Il rassure, puis trahit.
    
    NYMPH( )MANIAC ET SA SIGNIFICATION
    
    Si l’on oublie la lettre « o » du titre pour conserver au contraire les deux parenthèses, le sens en devient alors transformé : il ne reste alors que les mots « nymph » et « maniac », séparés par un caractère symbolique à triple sens. Parfait résumé du film : deux personnages (la nymphe et le maniaque) rassemblés dans un dialogue autour d’un sujet qui les réunit autant qu’il les distingue. Et ce sujet est déjà en soi à plusieurs visages, donc propice au scandale autant qu’à l’exégèse : le sexe (a fortiori féminin), la question du regard sur toute chose soumise à la discussion (et là-dessus, le film se révèle quasi encyclopédique), ou plus largement, la construction narrative du film lui-même.
    
    Il ne surtout pas croire que la division du film en deux volumes résulterait d’un calcul malin de distributeur, soucieux de ne rien perdre du matériau original tout en faisant le pari d’un nombre d’entrées multiplié par deux. On s’aperçoit vite que, à l’instar des deux parenthèses du titre, chaque volume s’impose comme le négatif de l’autre, installant ainsi un système de correspondances symboliques en miroir, où tout est vu et décortiqué sous l’angle d’une analyse sans cesse inversée.
    
    Le casting fait lui aussi les frais de ce jeu d’opposition : outre l’idée géniale de changer l’incarnation des personnages de Joe et de Jérôme moins au gré de leur âge que de leur caractère, ...
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