Beauté disgracieuse - Histoires de Sexe

Beauté disgracieuse

... sa vie triste. Sa bouche esquisse cette manifestation de presque bonheur, et il est beau. Oui, beau. Son regard éclaire son visage. Le vert d’eau de ses yeux me fait chavirer, et les petites étoiles dorées qui parsèment ses pupilles me rendent romantique. Il est plein de charme ; il me fait rêver. Et cette douceur… J’ai envie à la fois de le prendre dans mes bras pour le garder au chaud, et de me blottir contre lui parce qu’il a l’air de vouloir donner sa tendresse à quelqu’un, malgré tout.

Je suis la seule à savoir sa beauté, et j’aime ça. Puis il est beau dedans. Je le sais, je le sens. Il est juste à moi, Stéphane. Il ne le sait pas encore, c’est tout. Il va vraiment falloir que je trouve un moyen, oui…

Tiens, et ça ferait les pieds à Pierre, si je repartais ce soir avec un homme qui représente son inverse parfait !

Pierre… l’homme au cœur de pierre ?

Beau gars. De la prestance, de l’assurance, de celle qui séduit les femmes. Voyez, c’est lui, là-bas, en train de charmer son entourage avec de beaux mots savants bien placés, je parie. Je ne vois pas sa conquête du moment, c’est étrange… Enfin, étrange… pour tout dire, pas tant que ça.

Pierre et moi avons passé deux ans ensemble. Notre relation a été unique, en son genre : j’étais la plus belle à ses yeux, quand j’étais totalement abandonnée à lui, le corps marqué par ses sévices érotiques. Fouet, cravache, fessées, n’avaient plus de secrets pour nous. La peau lacérée, marquée à vif, rougie, là, il était en ...

... admiration absolue, et me prenait en photo, souvent. Et je me suis surprise à moi aussi aimer ces traces, symboles d’amour extrême et complice. Pourtant, objectivement, ce ne devait pas être beau. Mais j’aimais ça.

Puis, sans juger nécessaire de m’en informer bien sûr, Pierre a trouvé une autre donzelle à éduquer : une stagiaire, un peu plus jeune que moi, tant qu’à faire… celle qui ne semble pas présente ce soir. Une fille géniale, comme il m’avait dit, une fille qui assure, une nana super. On était encore ensemble, à cette époque, dois-je le rappeler ? J’aurais dû comprendre plus rapidement, n’est-ce pas ? Mais moi, je suis aussi du style naïve et fleur bleue, faut pas croire !

Et voilà comment de « sublime », je suis passée à trépas, aux yeux de mon amant dominant. La nouveauté est toujours plus attirante, l’herbe est plus verte, on a envie d’aller tondre le gazon de la voisine, tout ça tout ça… Pourtant, moi aussi, j’assurais ! Mais on ne lutte pas longtemps contre un homme lassé, qui ne veut plus vous regarder.

Et lui, de mystérieux et séduisant, il m’est devenu presque rebutant, du jour au lendemain. Ses traits ont trahi uniquement la prétention, le mépris. Quand on ne voit plus avec les yeux de l’amour, voilà ce que ça donne.

En fin de compte, si je regarde autour de moi ce petit monde en train de fêter Noël, nous manions tous beauté et disgrâce avec dextérité, chacun à notre manière. Même moi, je suis là, à sourire, belle et charmante, mais au fond, je suis ...