La libertine
Datte: 16/11/2018,
Catégories:
ff,
fplusag,
voyage,
voiture,
autostop,
train,
vengeance,
dispute,
nopéné,
init,
portrait,
initff,
occasion,
Auteur: Ortrud, Source: Revebebe
... toile et de chair en trottinant.
C’est vraiment une grosse fille, avec un sourire de chef scout. Elle trouve que c’est « chic » de s’arrêter et s’inquiète du dérangement. Elle va jusqu’en Avignon, si c’est possible, mais partout avant ça sera aussi bien parce qu’elle est fatiguée et que si elle marche seule c’est qu’elle va rejoindre un groupe de copains qui n’a pas pu l’attendre au départ, elle avait du travail à la clinique, avec l’été, et puis, elle a dû refuser des hommes seuls qui l’auraient bien prise à bord, mais on sait jamais, vous comprenez ?
Mademoiselle s’en fout.
Elle aimerait, rien que pour voir, envoyer sa main entre les jambes de cette chair pas canon. Dans son cerveau compliqué germe cette idée que, si elle pouvait se taper cette nana grassouillette, elle retournerait chez Madame en demandant pardon puis l’embrasserait avec, sur les lèvres et sur les doigts l’odeur de l’autre. Rien que pour l’humilier puis s’enfuir pour de bon en éclatant de rire.
Nadine est sereine, elle peut laisser aller son corps, muscles au repos, elle n’est pas fille, elle est chair lasse, depuis les trois jours qu’elle force ses jambes, par défi, par provocation aussi. Se forcer à rattraper les autres, ce n‘était pas nécessaire, elle aurait pu prendre le train, mais elle jubile d’être meilleure que les autres, d’être admirée pour son effort.
Elle n’a d’ailleurs pas demandé à cette voiture de s’arrêter, juste, elle a fait un signe, comme ça, parce qu’une jolie fille qui ...
... conduit c’est toujours agréable à regarder. Mais elle a accepté de tricher un peu, par égard pour ses propres pieds.
— Ça vous embêterait si j’enlevais un moment mes chaussures ?
— Penses-tu, et même si tu veux te mettre à l’aise, je suis plutôt pour.
Silence, le temps de se déchausser.
— Vous prenez souvent des gens en stop ?
— Non, mais toi, je sais pas, un petit coup de cœur.
— De cœur ?
— On peut dire ça, parce que j’ai le cœur de ce côté.
Nadine se tasse un peu, son esprit se brouille, l’allusion est claire, le geste est possible, le fantasme prend corps, le retrait se dilue. Elle sait ce qu’elle est, une fille, ni moche ni belle, treize à la douzaine, elle connaît la résignation après l’aventure manquée avec un collègue, les bafouillis, les promesses et les plaisirs moyens.
— Vous voulez dire que vous aimez les filles ?
— Ça te ferait mal de me tutoyer ? Oui, c’est vrai, je suis comme ça, mais disons que j’aime les femmes, plutôt.
— Ça fait une différence ?
— Pour moi, oui, j’aime les femmes parce qu’on est les doubles les unes des autres, on se mime et quand on est nues, le physique de l’autre, c’est le mien.
Mademoiselle a parlé sans réfléchir, spontanément, mais elle sait que cette idée elle la doit à Madame. Nadine l’a ressentie comme un cadeau. Elle n’a jamais eu d’idée sur les femmes, sauf par comparaison, et personne ne lui a jamais dit une chose aussi sensible. Cette jolie fille n’est pas une concurrente, elle est une semblable, mais pour ...