La libertine
Datte: 16/11/2018,
Catégories:
ff,
fplusag,
voyage,
voiture,
autostop,
train,
vengeance,
dispute,
nopéné,
init,
portrait,
initff,
occasion,
Auteur: Ortrud, Source: Revebebe
— Demain, ce sera un peu tard, ma chérie, il faut que tu te décides aujourd’hui, je dirais même maintenant.
Les deux femmes se faisaient face, tendues, avec cet air d’affection qu’empruntent les vrais antagonismes, ce sourire qui ne révèle que les dents. Pour mieux mordre.
— Ça fait deux ans que tu me donnes des ordres, que tu règles ma vie, que je m’habille comme il te plaît, deux ans que je suis tes pas et assiste aux spectacles que tu aimes.
La tonalité monte, va crescendo de sweet whispering à fortissimo. La cadence s’accélère et les cheveux s’agitent en faisant des vagues rousses.
— Mais, ma pauvre chérie, qu’aurais-tu fait d’autre ? Si je n’étais pas là pour t’assurer un petit vernis, tu continuerais à triturer des bassins de malades.
— Et pour me sauter.
— Tu t’en plains, je t’ai toujours entendue roucouler. Et quel vilain mot, « sauter », va vers les mâles si tu veux l’employer. Et en voilà assez, ou nous partons en Italie ou tu fais tes bagages, mais toute seule et pour la destination qui te plaira, papa-maman, je suppose.
— Tu sais très bien que je ne céderai pas et tu auras du mal à trouver une fille qui te supporte. D’ailleurs, je me demande si ce n’est pas ce que tu cherches, m’exaspérer pour changer de partenaire dans ton jeu. Mais tu vieillis, ma grande, tes petits tétés commencent à fléchir, tu as besoin de Nivea maturité. Tu commences à réparer, bientôt le lift.
— Je crois que tout est dit, tu as franchi la ligne jaune…
— Blanche la ...
... ligne… jaune, c’est de ton temps, il y a vingt ans.
La parole devient sifflement, récupérant dans sa modulation venimeuse toutes les petites rancœurs des matins gluants, la présence obligatoire de ce corps tout nu qui réclame, la nécessité d’aller à la fontaine intime, les efforts consentis, et aujourd’hui insupportables, pour les jours difficiles et néanmoins exigeants.
Les odeurs se repoussent et on évoque, avant de les dire, mais le fera-t-on, les petits haut-le-cœur des écouvillons d’oreille, des cheveux sur la brosse ou de la culotte abandonnée sur le bord du lavabo. Elles se voient tout à coup telles qu’elles sont, achetant du papier toilette ou enrhumées. Elles passent de la publicité pour cosmétique à la réalité du tampon périodique.
— Odieuse, tu es odieuse, mais comment ai-je fait pour t’aimer ?
— Je t’en prie, pas de mot dont tu ignores le sens, tu es seulement venue respirer mes cuisses, tu t’es régalée, c’est tout, parce que j’ai quinze ans de moins que toi.
— Tu baisses dans tes injures, tu deviens sotte, c’est pire que tout. Je t’aurais gardée mauvaise ; stupide tu ne m’intéresses pas, allez, je ne veux plus te voir quand je rentrerai. Ou plutôt, non, tu vas déguerpir, me rendre les clefs de la maison et j’attends.
Il n’est jamais bon de faire sa valise en étant en colère. On a du mal à plier son linge, à se souvenir des pots de crème et à qui appartient le sèche-cheveux. Mariées, pacsées, unies librement, le départ sera toujours un moment de ...