La lectrice (1)
Datte: 07/10/2018,
Catégories:
Divers,
Auteur: Jane Does, Source: Xstory
... en temps, Lydie et moi. Je ne le fréquente jamais seule.
— xxxXXxxx —
Le bar « Chez Émile », c’est un troquet tout petit. Ici, on y trouve toujours les éternels clients des rades de province. Quelques retraités qui refont le monde en sirotant une bibine au comptoir. Quelques habitués aussi, qui les jours de marché viennent faire une escale à l’abreuvoir. C’est donc en fin d’après-midi que j’atterris dans ce bistrot plutôt calme. Les voix des anciens qui accoudés au zinc parlent de tout et de rien, du village peut-être, s’éteignent dès mon entrée. Des yeux traînants se posent sur l’arrivante, jaugeant sans doute du potentiel comestible de la femme que je suis.
Je salue ces messieurs, notant au passage que je suis la seule représentante du sexe féminin. Je dis seule, mais c’est avant d’apercevoir de l’autre côté du bar la serveuse. Sans doute vingt ans de moins que moi, une chevelure aussi brune que la mienne, et une poitrine qui me laisse rêveuse. Elle va de l’un à l’autre, avec une gouaille que je lui envie. Je suis l’objet de ses attentions évidemment, ma qualité de cliente la fait me sourire. Je réponds à cette mimique par une toute pareille, et les hommes lancent toujours quelques coups d’œil dans ma direction.
— Et pour Madame ? Ce sera quoi ?
—... une bière pression, s’il vous plaît.
— C’est parti...
Elle cramponne la tireuse et un liquide d’un blond capiteux coule dans un verre. Un centimètre de mousse blanche vient clore le sujet et le demi m’est ...
... poussé sur un sous-verre devant moi. À moins d’un mètre, les conversations reprennent, finalement je ne suis qu’un intermède de plus à ranger au rayon des souvenirs de ces messieurs.
— Vous vous êtes perdue chez nous ?
—... !
J’ai juste un peu tourné la caboche pour regarder qui se cache derrière cette phrase. Le type est souriant, jovial même. Un béret vissé sur le sommet de son crâne, il me dévisage avec des yeux ronds. En premier lieu, ce que je remarque ce sont ces deux lacs d’un vert bleuté qui sont fixés sur ma petite personne. Il est sans âge, ou plus exactement j’ai du mal de définir le sien. Il me semble un zeste moins vieux que les autres mâles qui constituent l’assemblée de clients.
— Vous n’avez donc pas de langue ?
— Gilles ! N’importune pas la dame... tu vois bien qu’elle n’a pas envie d’engager la conversation avec toi !
Puis c’est à moi qu’elle s’adresse.
— Excusez-le, Madame... il croit encore que tous les jupons du monde sont à sa portée. Il n’est pas vraiment méchant. Il est juste trop solitaire et ça le rend mélancolique et... trop audacieux comme en ce moment.
— Ne vous inquiétez pas... je saurais le remettre à sa place s’il devenait... plus incisif. En tout cas merci de me prévenir.
— De rien... votre visage ne m’est pas totalement inconnu... vous êtes de notre région ?
— Je passe de temps à autre boire un café, les matins des jours de marché... mais je n’étais jamais venue seule en soirée chez vous.
— Ce n’est pas chez ...